Le Fils de l’épicier

Voici le type même du film qui devrait recueillir un maximum d’avis positifs – notamment auprès d’un public âgé et familial qui était majoritaire lors de la projection – tant son sujet est aimable (mainstream comme on dit dorénavant en bon français) et sa résolution prévisible dès sa mise en place.

Paradoxalement, malgré ce préambule défavorable, on éprouve un réel plaisir à  suivre la rédemption annoncée – ou du moins l’ouverture aux autres – du jeune Antoine. C’est vrai que dans le genre fermé, bougon, teigneux et taiseux, le garçon est un spécimen, à  l’exact opposé de sa voisine, la bien-nommée Claire, exubérante, joviale, solaire.

Alors que son père vient de faire une crise cardiaque, sa mère fait appel à  lui pour venir l’aider dans la gestion de l’épicerie familiale, en assurant les tournées des hameaux déserts au volant d’une vieille camionnette. Parti il y a dix ans, Antoine rechigne d’abord et finit par accepter en emmenant dans ses bagages Claire, en pleine préparation du bac qu’elle passe par correspondance.

Le Fils de l’épicier est un hymne à  la campagne (la beauté des paysages des contreforts du Vercors irradie tout le film), peuplée presque exclusivement de vieux qu’Antoine ravitaille d’abord avec mauvaise grâce. Il faudra du temps – et surtout la bonne humeur énergique de Claire – pour qu’Antoine accomplisse son apprentissage vers les autres: son père bien sûr, dont il est au fond une fidèle réplique et son frère meurtri par le départ de sa femme qu’il n’ose avouer.

Eric Guirado a eu la bonne idée d’épaissir ses personnages secondaires : l’expansive Claire a connu un mariage très jeune, soldé par un divorce quelques années plus tard, et semble revendiquer son indépendance ; François, le frère, se veut le fils protecteur et présent, mais cache sa situation qui le dévore à  l’intérieur. Et puis il y a la kyrielle de tous ces petits vieux truculents, roublards et râleurs, qui émaillent le film de scènes enlevées, avec l’impayable Lucienne qui, à  sa manière directe, aide Antoine à  reprendre corps avec ses racines.

Le Fils de l’épicier est joliment troussé, servi en cela par le charme fou et complémentaire de ses deux interprètes : Clotilde Hesme est épatante,et radieuse – année phare pour elle après sa prestation dans Les Chansons d’amour – tandis que Nicolas Cazalé, beau brun ténébreux, affiche un visage buté et boudeur, rarement illuminé par un sourire ou une expression heureuse.

Plutôt convenu, sans réelle surprise, le second film du réalisateur de Quand tu descendras du ciel permet néanmoins une belle évasion dans les grands espaces de la Drôme.

Patrick Braganti

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Comédie française de Eric Guirado – 1h36 – Sortie le 15 Août 2007
Avec Nicolas Cazalé, Clotilde Hesme, Daniel Duval