American Gangster

american_gangster.jpg« American gangster » rentre désormais dans les couloirs du film culte sur les parrains de la drogue. Mais, malgré d’indéniables qualités, on ne saurait dire s’il ira plus loin. Alors que »Les affranchis » »Casino » et »Les infiltrés » (section Scorsese) sont passés derrière, ainsi que l’imbattable »Le parrain » ou le flamboyant »Scarface » pour ne citer que les plus connus, la version Ridley Scott, labellisée histoire vraie (Frank Lucas, parrain black des années 70 à  New York, eut l’ingénieuse et sordide idée de faire transporter sa marchandise vietnamienne dans les cercueils de soldats américains morts au combat) se contente, parfois avec didactisme, de dépeindre l’ambivalence d’un personnage complexe et insaisissable.

Du côté de la mise en scène, rien à  redire : l’ambiance 70’s d’Harlem est reconstituée à  merveille, la fluidité de la caméra impressionne, les plans sont magnifiques, et il y a une rage permanente, une énergie folle qui propulse le film dans des sommets de virtuosité. La réalisation procure un grand plaisir, une baffe dantesque, agrémentée d’une B.O. tout simplement géniale.
Le montage, lui, est tout aussi exceptionnel, donnant une sensation de fulgurance absolue ; certaines scènes où certains contrastes semblent si bien accrochés qu’il en découle une ampleur tout à  fait incontrôlable. Comme un volcan qui s’apprête d’un moment à  l’autre à  exploser, Denzel Washington supporte cette grandeur démesurée, rentre dans son personnage avec une aisance folle, une classe inégalable. Lors de ses accès de violence (le coup du piano, culte !), toute sa profondeur ressort : Frank Lucas nous fait peur, nous effraie, nous défie du regard, s’impose à  l’écran avec un charisme et une bestialité hors du commun. Russell Crowe, lui, se fait malheureusement un peu bouffer par la présence de l’autre, malgré un jeu nuancé et crédible, même si son personnage tient la route d’un bout à  l’autre ; peut-être lui aurait-il fallu un peu plus de détermination dans son jeu pour se faire remarquer.

Les seconds rôles excellent, les scènes cultes abondent (quelques ralentis extraordinaires, la scène finale), et le style du film, superbement classe, absorbe tout cela pour ne faire qu’un. Pourtant, malgré cette technique brillante (on ne le dira jamais assez), le film déçoit du côté du scénario : il n’y a pas grand-chose à  dire, et c’est bien là  le problème. Classique, pas toujours passionnant, et souvent didactique donc, le script handicape les protagonistes par leur manque de caractérisation. Sans Denzel Washington, le personnage aurait été épouvantablement plat. Et l’interprétation, aussi volcanique soit-elle, ne fait pas toute la profondeur d’un personnage, justement. Peut-être aussi que Ridley Scott ne prend pas assez son temps (on ne s’ennuie pas une seconde devant le film – et tant mieux – ), voulant à  tout prix perfectionner sa technique de metteur en scène (ce qu’il réussit à  faire haut la main). Sauf dans son démarrage un poil laborieux, qui s’étale vaguement. Mais son film, à  moitié réussi, fini, après réflexion, par séduire et booster. Il nous prend aux tripes, nous montre une violence belle mais jamais gratuite, crue mais jamais malsaine. L’oeuvre ultra-puissante d’un cinéaste lui aussi ambivalent, capable du pire (« Une grande année » »A armes égales ») comme du meilleur (« Kingdom of heaven » »Alien »). Alors, culte ?

Jean-Baptiste Doulcet

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American Gangster
Film américain de Ridley Scott
Genre : Drame, Policier
Durée : 2h37
Sortie : 14 Novembre 2007
Avec Russell Crowe, Denzel Washington, Chiwetel Ejiofor…

La bande annonce :