Faut que ça danse

aff film_3.jpgEn 2007, les deux bonheurs procurés par le cinéma hexagonal nous sont parvenus par des voies inattendues : d’abord des chansons (Les Chansons d’amour de Christophe Honoré, évidemment !) puis de la danse avec le dernier opus de Noémie Lvovsky.

Bonheurs d’autant plus grands que rien n’était gagné d’avance tant au niveau de la forme utilisée (comédie musicale dans un cas, fantaisie débridée dans l’autre) que des sujets abordés (le deuil, l’absence et la renaissance chez Honoré; la vieillesse et la transmission chez Lvovsky).

Dans Faut que ça danse, c’est Sarah qui détaille en voix off les tribulations de sa famille. Récemment enceinte, vivant avec François dans un appartement en plein chantier, à  l’image de sa propre vie où elle n’a pas encore coupé le cordon ombilical, Sarah est la fille de Salomon et de Geneviève, aujourd’hui séparés. Salomon a 80 ans, il est plus occupé à  se trouver une nouvelle compagne – qu’il recrute par petite annonce – qu’à  se pencher sur les fantômes de son passé. Geneviève, qui perd pied avec la réalité, vit dans un présent perpétuel, secondée par Monsieur Mootoousamy, ange gardien bienveillant et protecteur. Les galipettes de Salomon et l’absence de Geneviève agacent beaucoup Sarah, fortement désireuse de connaître le passé de ses parents, et notamment comment son père juif a vécu les années de guerre.

Noémie Lvovsky inverse donc les rôles dans sa comédie mélancolique et inventive : face à  la raisonnable Sarah se dresse l’impayable et feu follet Salomon, virevoltant, dansant, en pleine conquête amoureuse de Violette, une prof d’histoire. Comme dans ses précédents films, la réalisatrice déploie un univers très personnel, fantaisiste et empruntant des chemins extravagants : une visite de Salomon chez son voisin médecin, un rêve où il se métamorphose en assassin de Hitler dans une scène très drôle et culottée, une escapade en Suisse de Geneviève et son aide ménager.

On rit souvent sans perte de vue la gravité du propos : comment supporter sa propre vieillesse, et du coup celle de ses aînés et faire avec le passage du temps inexorable. On balance sans cesse entre comédie et tragédie et ces aller-retour permanents font tout le sel du film, rythmé par la musique de Archie Shepp.
En faisant de vieux ses héros, mais des vieux très jeunes d’esprit, Noémie Lvovsky ose et réussit un film culotté, à  mille lieues des comédies sinistres et si peu drôles que le cinéma français produit à  la pelle.
Magistralement servi par une interprétation au diapason, Faut que ça danse réjouit par sa pétulance et sa tonicité. Donc une conclusion péremptoire : faut que ça se voit.

Patrick Braganti

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Faut que ça danse
Film français de Noémie Lvovsky
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h40
Sortie : 14 Novembre 2007
Avec Jean-Pierre Marielle, Bulle Ogier, Valeria Bruni-Tedeschi