L’Eté indien

aff film_7.jpgOn sait que les romans d’Olivier Adam sont traversés par la thématique des relations familiales douloureuses et difficiles et, plus précisément, par le rapport au père souvent conflictuel. Sa littérature choisit également comme cadre récurrent les bords de mer et les régions de l’Ouest. En collaborant à  l’écriture du scénario de L’Eté indien aux côtés du cinéaste niçois Alain Raoust, il retrouve ses thèmes de prédilection et abandonne ses repères géographiques pour ceux qui irriguent l’oeuvre rare et exigeante du réalisateur de La Cage : la montagne des Alpes de Haute-Provence.

René habite à  La Foux d’Allos, une station de ski du Haut-Verdon dans laquelle il survit grâce à  différents petits boulots : la maintenance des téléphériques, la surveillance des gamins à  la sortie de l’école. Homme solitaire, brisé par une vie qui ne lui a apporté que du malheur et qu’il s’accuse de ne pas avoir su prendre en main, René ne semble plus vivre que pour sa fille Suzanne qu’il a élevée seul depuis treize ans. Celle-ci travaille à  Marseille et remonte régulièrement à  la station pour retrouver son petit ami Camille.

Le malaise s’installe très vite face à  cet homme taiseux et bourru, détenteur d’un secret pesant que l’arrivée d’une lettre vient raviver. A la fois presque antipathique dans ses manières brusques et infiniment touchant dans la fragilité dépressive qu’il manifeste, René est un personnage complexe. Tour à  tour protecteur et persécuteur de sa fille dont il jalouse la vie et les désirs d’émancipation qui ne manqueront pas de l’éloigner de lui, René nourrit contre lui-même une haine destructrice que plus rien ne semble pouvoir endiguer. Même la révélation du lourd secret dans une scène tendue à  se rompre ne sera pas libératrice. L’homme cassé, de plus en plus blessé au sens propre comme figuré, communique avec une difficulté croissante : mutisme prolongé, comportement délirant envers son futur gendre et un touriste hébété à  qui il fait lire à  haute voix la missive fatidique.

Le parcours de René, décalé et ne trouvant plus sa place, réfugié dans un monde parallèle, pourrait être plombant et irregardable. Malgré tout, L’Eté indien s’avère un film inspiré, notamment par le lien qu’il opère entre un espace géographique (la montagne comme »personnage » à  part entière, de plus en plus imposante et majestueuse à  l’opposé exact de René) et un espace social. Le belge Johan Leysen, acteur godardien, habite le rôle de manière viscérale et parvient à  rendre palpable la détresse et l’incapacité de René à  être dans le monde.
Austère et épuré, porté par un certain souffle romanesque, L’Eté indien réussit une fusion captivante et sous tension entre quelques personnages forts et les paysages qui les encerclent.

Patrick Braganti

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L’Eté indien
Film français de Alain Raoust
Genre : Drame
Durée : 1h40
Sortie : 19 Mars 2008
Avec Johan Leysen, Déborah François, Johanna Ter Steege, Guillaume Verdier