[REC]

 » On ne devrait pas sous-estimer le film d’horreur, car faire peur est une manière de révéler la faiblesse des autres – donc de tout le monde, de vous comme de moi – , notre répulsion face à  la mort qui est le point final à  cette peur que l’on redoute. Au-delà  du sang, quand il y en a, un film d’horreur est plus qu’un divertissement : c’est le miroitement des tréfonds de l’homme, cela fait ressortir ce qu’il se cache précieusement et fièrement comme on lui a appris depuis si longtemps » (John Carpenter)

Oeuvre conceptuelle dans la veine du »Projet Blair Witch » »REC » est un film d’horreur angoissant, fondé sur la peur de la vérité. Plus les personnages avancent, plus la sensation de mort se rapproche. Même si la présence de mutants rend le film abstrait et déconnecté de toute logique, l’expérimentation que tentent les cinéastes servent un propos qui l’est beaucoup moins ; variation de la peur primale, des bases pleines de l’action, épidémie contagieuse ravageant tout sur son passage.. »REC » effraie, car au fond, rien d’impossible face à  ce festival de tueries sordides, de prisonniers déjà  morts enfermés dans un grand appartement sombre et sans issues.

Au fur et à  mesure que les protagonistes montent (et qu’ils sont éliminés), les idées scéniques abondent (lampe torche, lumière infrarouge, rotation de la caméra seule pour observer le grenier, abstraction des formes et des mouvements dans un final saisissant de laideur), et la peur se raccourcit, ne cherchant plus tant l’effet qui effraie que la vérité formelle établissant les données et les raisons d’un tel carnage. Obsédé par l’idée d’une certaine transmission, d’une implacable réalité que la caméra a pour but de retransmettre aux absents, le caméraman filme tout ou presque (d’où la frustration des petits jeux du ‘Arrête de filmer’ qui empêche le temporalité réelle), et en premier plan sa journaliste, dont on devine derrière ces inattendues giclures de sang qu’il se noue une véritable histoire, à  la fois de survie dans la mesure où l’un a nécessairement besoin de l’autre (en témoigne la scène finale où le caméraman, le seul a être doté de la vue dans le noir puisqu’il se munit du système infrarouge, la guide), et aussi d’un certain attrait corporel, d’où émanent quelques tensions sexuelles à  peine suggérées mais pourtant bien présentes.

Et le film, progressivement, comme lassé des points lumineux, s’assombrit, enlève les humains pour rajouter les mutants, leurs cris pénétrants semblant signifier leur besoin vital de chair et de sang frais. Cette nécessité devient à  l’écran de plus en plus sombre et bruyante, tout comme celle de survivre pour les innocents, dont la performance physique des acteurs se sent dans les moindre gestes. Puis, point culminant en guise de fin pour cette montée aux enfers, une chambre des secrets où tout se révèle subitement, comme pour justifier la présence de tout ce qui a précédé, sans pour autant y accorder une réelle importance. Le but du film n’est pas de savoir pourquoi ni comment, ni où ni quand, mais juste de filmer, toujours, les pleurs et les cris viscéraux qui s’échappent, pour créer l’immersion, la plongée totale dans cette maison des horreurs.

La scène finale, époustouflante, où apparaît une mutante quasi-difforme, grande et squelettique, une gamine presque nue à  la peau blafarde et déchiquetée, est un sommet d’effroi. Car »REC » ne fait pas peur, il nous entraîne juste dans une situation frénétique et extrême, sans issue, une maison hantée où des silhouettes déchirées s’agitent violemment, cherchant la vie pour la transformer en ténèbres, poussant le spectateur dans ses retranchements les plus caverneux, suscitant l’effroi, le malaise, traquant ses fêlures pour en tirer substance, dégoût et vomi. Un film de sensations dégueulasses, repoussantes, mais qui ouvre un vrai parallèle sur notre monde et sur la canalisation de la peur, déclinant l’engrenage du pouvoir de l’image dans le décor de la maison hantée où l’innocent cherche à  fuir, en lieu et place des terrains de guerre ou d’autres monstres cherchent la vie partout pour l’anéantir, et où l’innocent reste dans la même position de fuite. A condition d’oublier les quelques longueurs qui engloutissent le film dans son début, les lamentations des personnages prennent alors une ampleur émotionnelle rare, les cris cachant l’envie de survivre, d’échapper à  la mort, aux antres Méphistophéliènnes qui peu à  peu se proposent comme l’après, rongeant chaque mur et chaque escalier pour venir s’emparer des âmes qui courent, pleurent et crient sans fin.

Jean-Baptiste Doulcet

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[REC]
Film espagnol de Paco Plaza, Jaume Balaguero
Genre : Epouvante-horreur
Durée : 1h20
Sortie : 23 Avril 2008
Avec Manuela Velasco, Ferran Terraza, Jorge Yamam…

La bande annonce :