Mon sang retombera sur vous, lettres de captivité d’Aldo Moro

30 ans après les faits, les éditions Tallandier reviennent sur les années de plomb italiennes en réimprimant les lettres de captivité d’Aldo Moro avant qu’il ne fut exécuté par les Brigades rouges le 9 mai 1978. Leur lecture rend hommage à  un humaniste qui fut sacrifié par ses pairs au nom d’intérêts douteux et par ailleurs offre un témoignage poignant sur l’expérience de la séquestration.

Aldo Moro est président du conseil et un cadre de l’aile gauche de la Démocratie Chrétienne (DC) le parti au pouvoir depuis 1946, éternel rival du parti communiste italien (PCI). Suite à  une crise ministérielle, Moro engage un rapprochement entre les deux frères ennemis et parvient à  un accord au forceps connu sous le nom de « compromis historique » pour résoudre la crise. Le jour de la signature au Parlement, il est kidnappé par les Brigades rouges.

Moro et sa culture du dialogue dérangeaient trop de gens en ce contexte de guerre froide : la loge maçonnique P2 d’extrême droite, les services secrets américains, ceux du Vatican, l’aile droite de la Démocratie Chrétienne et les intransigeants du PCI, la mafia calabraise et bien sûr les Brigades Rouges. l’introduction d’Emmanuel Laurentin, animateur de La Fabrique de l’Histoire sur France Culture, ainsi que les courts textes d’ouverture des lettres nous donnent des clés de lecture précieuses qui nous permettent de prendre la mesure dramatique de la situation de leur auteur.

La solitude de Moro est terrible car imparfaite. En tant qu’accusé du tribunal populaire des brigadistes, il est continuellement soumis à  l’incertitude des informations filtrées et au doute quant à  la transmission de ses lettres par ses ravisseurs. Président de la Démocratie Chrétienne, il est abasourdi et ulcéré par les communiqués de ses confrères du parti qui fleurent la manipulation en clamant que Moro sombre dans la folie. Et enfin le père de famille souffre terriblement de l’absence de nouvelles de ses proches. Moro se démène sans haine mais avec stupeur et incompréhension dans cet imbroglio.

 » Mon sang retombera sur vous «  et on serait tenter d’ajouter qu’il continuera d’éclabousser une classe politique tant qu’elle persistera à  freiner l’ouverture des archives pour faire la lumière définitive sur l’affaire. l’ensemble de ces lettres est aussi un document primordial pour qui veut comprendre la situation politique actuelle de l’Italie et plus largement, pour qui veut aborder la nature humaine dans ce qu’elle a de plus fragile et de plus pervers.

Cédric Vigneault

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Mon sang retombera sur vous.
Lettres retrouvées d’un otage sacrifié mars-mai 1978
Aldo Moro
Éditeur : Tallandier
226 pages, 23 euros
Parution : 2005

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