Gomorra

gomorra.jpgAvec cette adaptation du best-seller de Roberto Saviano, Gomorra (éditions Gallimard), Garrone délaisse l’aspect international de la Camorra (la mafia napolitaine), et recentre sa réflexion sur ceux qui la subissent au quotidien: les habitants des quartiers défavorisés de Naples.

Après une introduction maladroite dans un style Tarentino incongru, Garrone fixe sa caméra sur les épaules et s’attache avec plus de succès à  la forme documentaire qu’il a déjà  exercée en 1998 pour le tournage de Oreste Pipolo, fotografo di matrimoni. La nervosité d’un cadrage dans une situation périlleuse, ou l’assoupissement de l’objectif posé devant une scène quotidienne et réveillé par le fracas d’une déflagration, Garrone laisse son regard épouser celui de Roberto Saviano, un regard spectateur, anonyme qui enregistre les événements qui vont frapper cinq vies.

Garrone n’évite pas les effets de genre comme le rite d’initiation camorriste dans lequel un enfant muni d’un gilet pare-balle doit résister à  un tir à  bout portant, mais ce film a deux mérites essentiels. D.’une part celui de montrer l’univers glauque et minable de la mafia, les faux codes d’honneur, le clinquant et la crasse d’un univers de boîtes miteuses dans lesquelles les caîds, petits et grands, paradent. Garrone prend le contre-pied de l’image qu’a pu véhiculer le mythe Tony Montana. D.’autre part, Garrone met en lumière le sort des habitants qui subissent la Camorra et sa violence. Il filme les conséquences de trois décennies d’abandon du politique et de transfert des pouvoirs régaliens aux organisations criminelles sur le quotidien de la population. On ressent l’oppression à  chaque nouveau plan, les cages d’escalier menaçantes, les rues sous surveillance, la mort qui peut surgir à  chaque instant.

Sean Penn en qualité de président du festival de Cannes avait annoncé au début de l’événement, un palmarès engagé. Il l’a été. Au détriment de l’intérêt cinématographique ? Gomorra est un film qui a su conjuguer les deux aspects, politique et artistique, et qui n’a pas à  rougir de son Grand prix. Par ailleurs, cette reconnaissance du jury apporte un précieux soutien moral à  celui par qui tout est arrivé, Roberto Saviano, qui depuis le succès de son livre, vit sous protection policière avec une promesse de mort de la Camorra, qui est une des rares promesses que ses commanditaires honorent.

Cédric Vigneault

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Gomorra
Film italien de Matteo Garrone
Genre : docu-fiction
Durée : 2h15
Date de sortie du film : 13 août 2008
Avec Salvatore Abruzzese, Gianfelice Imparato, Maria Nazionale

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La critique du livre

La bande-annonce :

6 thoughts on “Gomorra

  1. Plus qu’à Tarantino, je penserais à Scorsese pour la scène d’ouverture qui semblerait nous plonger dans l’univers violent et balisé du film de mafia, alors que le reste du film s’emploie à prouver l’inverse. D’ailleurs cette tuerie originelle restera sans suite, tant Gomorra se présente comme une succession de vignettes rendant compte de l’économie parallèle et souterraine de la mafia napolitaine. C’est donc bel et bien un cinéma de sensations, où l’hallucination le dispute sans cesse à l’effroi. C’est aussi un cinéma de lieux – en ce sens revisitant le cinéma antonionien – qui répertorie une géographie dantesque à mille lieues d’une Italie fantasmée. Même la langue semble autre, une sorte de dialecte local débarrassé des accents chantants et toniques.
    Bénéficiant d’un casting formidable composé de pro et d’amateurs, Gomorra démythifie avec fluidité et rage la légende de la mafia, ses parrains pétris d’honneur et ses membres tirés à quatre épingles. Ici nous sommes définitivement entrés dans le monde de la barbarie aux ramifications incontrôlables, broyant sans vergogne ses enfants fragiles. De quoi être hantés longtemps…

  2. Plus qu’à Tarantino, je penserais à Scorsese pour la scène d’ouverture qui semblerait nous plonger dans l’univers violent et balisé du film de mafia, alors que le reste du film s’emploie à prouver l’inverse. D’ailleurs cette tuerie originelle restera sans suite, tant Gomorra se présente comme une succession de vignettes rendant compte de l’économie parallèle et souterraine de la mafia napolitaine. C’est donc bel et bien un cinéma de sensations, où l’hallucination le dispute sans cesse à l’effroi. C’est aussi un cinéma de lieux – en ce sens revisitant le cinéma antonionien – qui répertorie une géographie dantesque à mille lieues d’une Italie fantasmée. Même la langue semble autre, une sorte de dialecte local débarrassé des accents chantants et toniques.
    Bénéficiant d’un casting formidable composé de pro et d’amateurs, Gomorra démythifie avec fluidité et rage la légende de la mafia, ses parrains pétris d’honneur et ses membres tirés à quatre épingles. Ici nous sommes définitivement entrés dans le monde de la barbarie aux ramifications incontrôlables, broyant sans vergogne ses enfants fragiles. De quoi être hantés longtemps…

  3. Plus qu’à Tarantino, je penserais à Scorsese pour la scène d’ouverture qui semblerait nous plonger dans l’univers violent et balisé du film de mafia, alors que le reste du film s’emploie à prouver l’inverse. D’ailleurs cette tuerie originelle restera sans suite, tant Gomorra se présente comme une succession de vignettes rendant compte de l’économie parallèle et souterraine de la mafia napolitaine. C’est donc bel et bien un cinéma de sensations, où l’hallucination le dispute sans cesse à l’effroi. C’est aussi un cinéma de lieux – en ce sens revisitant le cinéma antonionien – qui répertorie une géographie dantesque à mille lieues d’une Italie fantasmée. Même la langue semble autre, une sorte de dialecte local débarrassé des accents chantants et toniques.
    Bénéficiant d’un casting formidable composé de pro et d’amateurs, Gomorra démythifie avec fluidité et rage la légende de la mafia, ses parrains pétris d’honneur et ses membres tirés à quatre épingles. Ici nous sommes définitivement entrés dans le monde de la barbarie aux ramifications incontrôlables, broyant sans vergogne ses enfants fragiles. De quoi être hantés longtemps…

  4. un très grand film italien qui m’a rapellé (dans le ton, dans la mise en scène) ceux de la fin des années 60, du début 70, les Francesco Rosi… tous ces films avec Gian Maria Volonte ! Que du bon !

  5. un très grand film italien qui m’a rapellé (dans le ton, dans la mise en scène) ceux de la fin des années 60, du début 70, les Francesco Rosi… tous ces films avec Gian Maria Volonte ! Que du bon !

  6. un très grand film italien qui m’a rapellé (dans le ton, dans la mise en scène) ceux de la fin des années 60, du début 70, les Francesco Rosi… tous ces films avec Gian Maria Volonte ! Que du bon !

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