James – Hey ma

Hasard des sorties, ou plutôt des écoutes, on s’est envoyé dans les oreilles consécutivement, you cross my path des Charlatans et le Hey ma de James. Soit deux survivants de l’époque glorieuse mancunienne des années 90. Avec un effet d’attente plus prononcé pour James, qui n’avait plus rien sorti depuis un bon paquet d’années (6). Et avec chacun à  sa manière une réussite de groupe qui ne veut pas mourir ni céder la place à  mille autres, dans un paysage de plus en plus éclaté et tourné vers les niches musicales. Puis chacun à  sa manière une discrète réussite aussi, plus éclatante pour James.

Et si on doit forcément s’adresser à  une niche aujourd’hui en musique, celle de James sera bien évidemment celle des jeunes trentenaires qui regrettent leurs années houblonneuses et insouciantes, mélange de fin de lycée où se formait les bandes de potes, autant qu’on essayait en paroles, de refaire le monde ; époque de l’avènement du joint en liant social et de l’ecstasy en hédonisme vénéneux mais attirant. Une époque où les Charlatans et les Stone Roses nourrissaient les idéaux, ou les Happy Mondays s’envolaient dans un nuage de fumée, où Ride nageait dans la tempête et où James renouvelait la pop à  coup de majesté, de Brian Eno, de delay dans le son et de cuivres poussés forts, un brin grandiloquents mais tellement agréables, et illuminés après les années sombres de la new wave. On caricature un peu, on raccourcit le temps et on en oublie énormément en route pour les besoins de la chronique. Certes. On passe sous silences des moments moins roses et on fait des raccourcis un peu rapide pour la beauté de la phrase. Assurément

N.’empêche, c’est cette époque, celle du laid du même James que réactive le Hey ma de 2008. Comme si les Chemical Brothers n’avaient jamais existé, comme si Air n’avait pas fourbi son garçon sexy et comme si Eminem n’avait jamais évoqué son slim shady sur les ondes. Comme si la discographie de James s’était arrêtée à  cette pochette où un garçon aux cheveux longs mangeait nonchalamment une banane ceint dans une salopette que même Manu Chao n’oserait pas porter. Le nouveau bébé, de la pochette, et du nouvel album, a les yeux de son père. Les bras, le corps et la démarche de ses parents.

Ce qui serait perçu ailleurs comme une facilité, où comme dans le cas des Charlatans de 2008 une première preuve de surplace dans une discographie jusque là  progressive ; est ressenti dans le cadre du renouveau de James, comme la possibilité pour tous ceux qui étaient restés sur leur faim quelque part dans les nineties après la sortie de whiplash de faire oublier ce cul de sac sonore, et reprendre l’histoire là  où elle donnait réellement du corps à  un propos, à  une formule. Une formule qui, l’air de rien, a inspiré ensuite à  leur corps défendant nombre de britpopeux, de Blur à  Pulp en passant par Dodgy, Denim, Boo Radleys, et même Coldplay. Une formule qui démontrait qu’il était possible de prendre les mêmes ferments que U2 et les traiter sans le grandiose et l’artifice de la bande à  Bono.

Alors oui, bien sûr, soniquement, il n’y a rien ici de bien neuf. Hey ma reprend l’histoire là  où le groupe l’a abandonné, dans un au revoir et à  bientôt qui aura duré plus longtemps que prévu. On reprend la capacité de Tim a hurler (le temps n’a aucune prise sur la voix juvénile de Booth) des refrains imparables, engagés: »So much dust in the air / It affected your vision /Couldn’t see yourself clear / From the fall came such choices / Even worse than the fall /There’s this chain of consequences / Within / Without/ (…) Hey ma the boy’s in body bags /
Coming home in pieces » servis par une guitare légèrement distordue et des cuivres magistraux qui montent haut dans les airs avant de revenir voir le sol. De la pop anglaise dans son plus simple appareil, avant que le mot britpop ne deviennent un genre à  part entière puis un gros mot à  lui tout seul.

On réactive la capacité à  susurrer de jolies ballades douces sans être tarte, mélange de folk et de rock doux à  l’oreille de l’auditeur trentenaire. On cherche à  le re-séduire, quand bien même on le sent rapidement acquis à  la cause. Et l’album de se dérouler, totale réussite pourtant très modeste dans la forme et le discours, avec ses histoires de téléphones et de garçons qui rentrent au pays dans des sacs poubelle.

Le plus fort dans cet exercice, c’est que James réactive une époque, sans qu’à  aucun moment on ne ressente ni lassitude, récupération, opportunisme ou nostalgie. Hey ma fait abstraction du temps qui a passé comme le Doc et Marty se jouent du continuum espace-temps dans Retour vers le futur. On déguste, parce qu’on retrouve un vieil ami, au meilleur de sa forme, alors qu’on l’avait laissé exsangue sur le bord du chemin, quelque part au tournant du siècle. Hey ma nous re-fait aimer James, comme laid nous l’avait fait découvrir à  l’époque. Sans aucune prise au vent du temps, des modes, des jeunes pousses ou des niches musicales à  investir absolument. Les trentenaires sont ravis. Les jeunes fans de Coldplay devraient écouter ce à  quoi ne ressemblera jamais le poussif combo dont ils sont friands. De la simplicité et de l’efficacité anachronique ou a-temporelle. C.’est selon. Welcome back home boys !

Denis Verloes.

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Tracklist
01. Bubbles
02. Hey Ma
03. Waterfall
04. Oh My Heart
05. Boom Boom
06. Semaphore
07. Upside
08. Whiteboy
09. 72
10. Of Monsters & Heroes & Men
11. I Wanna Go Home

Label: Mercury / Universal
Date de sortie: 7 avril 2008

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La vidéo engagée de Hey ma via Youtube