Ricky

affiche_4.jpgL’avantage avec François Ozon, c’est qu’il ne laisse pas indifférent, suscitant ou l’admiration face à  une oeuvre protéiforme et audacieuse, ou le courroux à  l’encontre d’une approche trop souvent considérée comme désincarnée, similaire à  celle d’un entomologiste scrutant d’un oeil froid et distancé ses collections d’insectes. Mais toujours chez le réalisateur de Sous le sable une volonté qui ne se dément pas au fil de sa production de se coltiner à  l’étrange, au fantastique et d’explorer les ressorts de la manipulation entre les êtres humains.

Lesquels sont souvent velléitaires, ambitieux, arrivistes ou égoîstes chez Ozon. Ainsi Ricky met-il en scène Katie, une femme élevant seule sa fille Lisa et occupant dans une usine chimique un poste répétitif, peu enrichissant à  tous les sens du terme. Quand Paco, un ouvrier espagnol récemment embauché, la repère, Katie lui ne oppose guère de résistance, au contraire il semble être pour elle une bouffée d’oxygène, un espoir de voir sa vie routinière repartir sur de nouvelles voies. Quelques mois plus tard, naît Ricky, un petit garçon qui va se révéler extraordinaire.

La particularité de Ricky – on n’en dira pas plus ici, même si la bande-annonce du film ne cache rien du développement de l’histoire – fait basculer la chronique sociale, particulièrement juste et bien vue, sans clichés excessifs, dans un registre de fable, de conte où s’invitent l’irréel et l’onirique. Dès lors se pose la question d’appréhender les motivations du réalisateur, la signification de l’irruption du non-conforme dans une existence on ne peut plus banale, où l’idée même de rupture avec la monotonie et la misère sociale ne pourrait se concrétiser que par le biais d’un gain faramineux au Loto.
S’agit-il d’un essai sur la différence, ? Pas certain, ou alors de manière ponctuelle où Ricky devient pour les médias une énième sensation éphémère, peu regardants sur leurs facultés à  transformer un bébé sans défenses en animal de cirque. Ricky n’est-il pas plutôt un vecteur fabuleux, métaphorique, pour sa mère à  prendre sa vie en mains et à  envisager les choses sous un autre angle, ? Ce qui, du coup, inverserait drôlement la relation parents-enfants, le bébé jouant sans en prendre conscience le rôle de l’éclaireur.

Avant que Katie entrevoie ce que son étrange bébé va réveiller en elle, François Ozon la (et nous) fait passer par des étapes où ses certitudes vacillent. Si peu confiante en elle, et donc aux autres, elle accuse sans preuve et sans lui donner l’occasion de se défendre son compagnon d’avoir maltraité Ricky et provoque son départ. Ricky devient la source du conflit, sa mère l’accaparant dans un premier temps, comme un cadeau du ciel qu’elle ne veut pas partager, hormis avec sa fille, parce qu’elle le considère probablement comme la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée. Autrement dit, Katie serait émerveillée d’avoir enfanté un être prodigieux, exceptionnel alors que l’image qu’elle a d’elle-même est à  l’opposé, : aucune considération pour soi dans une vie d’échec privé et de galère professionnelle.

Une fois encore, François Ozon nous déstabilise et sème le trouble. Reconnaissons lui le mérite de changer constamment de registre et de milieu tout en évoquant les sujets qui lui tiennent à  coeur. Comme d’habitude, toutes les clefs ne sont pas fournies, reste donc au spectateur à  combler les espaces d’une narration originale et surprenante et d’interpréter à  sa convenance ce film atypique.

Patrick Braganti

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Ricky
Film français de François Ozon
Genre : Comédie dramatique, Fantastique
Durée : 1h30
Sortie : 11 Janvier 2009
Avec Alexandra Lamy, Sergi Lopez, Mélusine Mayance

La bande-annonce :

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