Les 3 royaumes

affiche_12.jpgContrairement à  l’esthétisme de l’affiche et à  une présentation proche du travail de Zhang Yimou (le splendide Hero), ce retour de John Woo derrière la caméra pour une production artisanale (disons que son intermède américain est terminé et qu’il se remet au cinéma qui a fait son succès dans son pays), n’a rien d’esthétique. Le cinéaste chinois, que l’on a connu avec ses inoubliables The Killer et Une balle dans la tête, fait preuve ici d’une subtilité qui est toute autre.

La fresque guerrière de plus de deux heures n’est pas pour lui l’occasion de déballer ses qualités d’esthète et de coloriste, mais plutôt d’affirmer un penchant pour le cinéma chinois d’antan, modeste dans sa fabrication mais d’une impressionnante maîtrise, et qui plus est, renforcé par un fond politique qui n’est certainement pas à  exclure ; sur une vérité historique (la bataille de la Falaise Rouge, l’un des piliers de l’Histoire de la Chine médiévale), John Woo échafaude une parabole sur l’opportunisme et le pouvoir absolu de la politique moderne. L’ampleur de la mise en scène est passionnante parce qu’elle n’est pas si excessive qu’elle pourrait le laisser paraître ; ses longs souffles prennent vie dans l’intimité des personnages, les coulisses du pouvoir et de la guerre. L’influence du cinéma américain (qui, bien sûr, sera attaché dorénavant à  la technique de John Woo), notamment dans ses nombreux ralentis ou les parallèles effectués face aux personnages opposés, fait partie de cette réalisation à  priori boursouflée, mais que le réalisme de certains éléments parvient à  rendre naturelle, c’est à  dire à  la fois improbable – donc fascinante – et contenue, entre deux eaux en somme.

Les 3 royaumes, malgré le sérieux du récit qu’il développe (lié à  l’amour, à  l’honneur, à  la vengeance, la jalousie), se détache dans un second degré assumé, des élans comiques précieux et rares qui contrastent avec la violence massive des combats. Ne cachons pas une complexité et une richesse scénaristique qui, paradoxalement, nuisent parfois au déroulement du film. L’abondance des personnages, qui se confondent, nous perd dans les méandres de cette oeuvre colossale et personnelle, à  mi-chemin entre la routine du film de combat chinois et la réinvention du langage de l’époque. Il faut aussi passer outre le sentiment d’incomplétude qui domine le remontage occidental du film (initialement coupé en deux sections pour la Chine), quelques inutilités, et la permanence d’une musique toutefois magnifique. Mais durant 2h20, malgré quelques pénibles densités formelles et chargements de péripéties, Les 3 royaumes tient jusqu’au bout son rythme trépidant. Les tourments humains et ceux de l’Histoire s’opposent à  la virtuosité des grands thèmes défendus et à  celle d’une mise en scène compacte et d’une grandeur, d’une précision réjouissante.

Jean-Baptiste Doulcet

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Les 3 royaumes
Film chinois de John Woo
Genre : Action, Historique
Durée : 2h25
Sortie : 25 Mars 2009
Avec Tony Leung Chiu Wai, Takeshi Kaneshiro, Zhang Fengyi

La bande-annonce :

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