Toute l’histoire de mes échecs sexuels

affiche_4.jpgFaire de sa propre vie le matériau d’un film destiné à  être montré et commenté est, somme toute, une pratique de plus en plus répandue. Un essor qui s’explique pour des raisons multiples, : sans doute le développement de la technologie y est-il pour beaucoup – caméra numérique, logiciel de montage, supports informatiques variés – mais le besoin de se mettre en scène, de se poser pour quelques instants en célébrité – dans une démarche qu’Andy Warhol a théorisée avant tout le monde – demeure la plus certaine des motivations. En 2004, Jonathan Caouette prouvait avec l’exceptionnel Tarnation combien l’exercice pouvait être salutaire, envisagé comme une sauvegarde thérapeutique, tout en inaugurant une forme novatrice et enthousiasmante grâce à  un agencement remarquable d’enregistrements, de photos de famille ou de messages sur répondeur entremêlant finement la fiction et le documentaire.

On peut sans se tromper beaucoup penser que les intentions de Chris Waitt à  élaborer le projet de Toute l’histoire de mes échecs sexuels se rapprochent de celles de Caouette. Néanmoins, les motifs sont ici plus légers car Chris Waitt, trentenaire qui peine à  sortir de l’adolescence, en est à  se demander pourquoi aucune femme n’est restée avec lui. Pour tenter de voir clair dans ses dépits amoureux, il s’arme d’une caméra et d’une micro et part à  la recherche de ses ex, celles-ci devant répondre à  une batterie de questions censées apporter des éclaircissements. Le ton employé est d’abord celui de la franche rigolade, Waitt ne parvenant à  obtenir aucun rendez-vous ou se faisant jeter par des filles peu désireuses de reparler à  ce grand dadais hirsute, fringué comme l’as de pique. Avant d’explorer une voie plus intimiste et touchante, le film fait un détour par les problèmes sexuels de Chris Waitt : érection en panne, impuissance latente.

Le plus intéressant dans Toute l’histoire de mes échecs sexuels réside en l’honnêteté avec laquelle le jeune réalisateur se confronte à  sa propre situation. Les notions de consignation et d’expérimentation sont étroitement liées au film. En effet, le pauvre héros amoncelle dans sa tanière bordélique une extravagante collection de cassettes, de bouquins, de disques, de carnets ou de notes. A côté des outils technologiques, l’écriture prend aussi une place prépondérante. Chris Waitt transcrit avec compulsion et minutie ses états d’âme et ses commentaires sur l’avancement de son projet, de ses relations et de sa démarche empirique, : consultation d’un sexologue, d’un acupuncteur, séance chez une maîtresse SM, sans parler de la quête frénétique d’une partenaire suite à  l’absorption massive de pilules Viagra.

Toute l’histoire de mes échecs sexuels est une oeuvre mineure, qui se nourrit conjointement du nombrilisme et de la légère dépression de son réalisateur. Immature, peu responsable et égocentré, Chris Waitt s’aime plutôt bien et, de ce fait, n’évite pas toujours une certaine complaisance tout en ne perdant jamais de vue le cap de la sincérité, souvent désarmante et hilarante. Dommage aussi que Chris Waitt ne creuse pas une forme plus expérimentale, qui permettrait d’annuler l’impression tenace de regarder le film d’un pote tourné en super-8 de façon très amateur. Plaisant et sans grande prétention, mais aussi éphémère et oubliable.

Patrick Braganti

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Toute l’histoire de mes échecs sexuels
Film britannique de Chris Waitt
Genre : Documentaire
Durée : 1h33
Sortie : 6 Mai 2009

La bande-annonce :

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One thought on “Toute l’histoire de mes échecs sexuels

  1. Je viens de le voir, et suis sur la même longueur d’onde que la critique ci-dessus: C. Waitt est pathétique, dépressif, apathique et jouissif; mais pas jouisseur faute d’érection. Le film fait passer un agréable moment, le héros fait pitié sans être sordide, sa situation est pénible pour lui comme pour nous, mais à la fin, tout le monde est content. Donc un film apte à me distraire, car récréatif avec un poil de message et de sincérité.

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