Departures

affiche_1.jpgAu Japon, quand on perd son boulot, violoncelliste au sein d’un orchestre subitement dissous – mais où la crise ne va-t-elle pas se loger – on n’hésite pas à  changer de ville, de cadre de vie et surtout de métier. Aussitôt Daigo se voit-il remercié de manière fort expéditive qu’il embarque son épouse direction la campagne de son enfance, à  Yamagata au nord du pays, dans la maison de sa mère aujourd’hui disparue.

Lorsque Daigo répond à  une curieuse annonce et qu’il se présente pour un entretien express, il ignore encore quelle sera sa future activité, en quoi elle va aussi bouleverser sa vie et ébranler l’équilibre de son couple. , Il devient l’assistant d’un vieil homme chargé de mener à  bien les rites funéraires dispensés en présence de la famille selon un cérémonial précis et solennel. Un moment qui constitue la scène introductive de Departures, ruinant du coup tous les effets de surprise. Une scène en soi très belle, rythmée par des gestes infiniment délicats et respectueux, accomplis avec une pudeur extrême, qui va devenir pourtant le gimmick de Departures. Répétée à  maintes reprises dans différentes situations, la cérémonie finit par être très ennuyeuse.

Ce qu’est globalement le nouveau film de Yojiro Takita, auteur plutôt prolixe, dont l’oeuvre jusqu’à  présent n’a guère dépassé les frontières nippones. C’est la surprenante récompense que Departures a reçue aux Oscars (pas moins que désigné comme meilleur film étranger) qui lui vaut aujourd’hui cette sortie mondiale. Fonctionnant sur l’émotion facile et tire-larmes, de fait consubstantielle au sujet, Departures ne vaut que par son esthétique léchée, qui gomme toute aspérité, rendant uniforme et lisse une histoire pourtant inscrite dans la tradition japonaise. D’autre part, le film échoue à  montrer l’apprentissage du jeune Daigo, : son premier travail en solitaire, sans la présence du patron appelé ailleurs, est ainsi totalement escamoté, tout comme l’est le départ provisoire de son épouse, révulsée par ce métier qui fait de son mari un impur. Il suffira qu’elle assiste une seule fois à  une cérémonie pour qu’elle fasse table rase de ses certitudes.

Trop long et multipliant les répétitions qui le font stagner et n’offrent plus aucun développement à  une histoire dont le dénouement en devient plus que prévisible, Departures se révèle une espèce de roman-photo filmé où tout est beau et apprêté. L’interprète de Daigo, le joli Masahiro Motoki, ne faillit pas à  l’impression générale, : très propret, son jeu n’évite pas des exagérations d’un autre âge qui retire du coup toute subtilité à  son rôle. Il y a bien un fossé entre Departures, emblématique d’une production mainstream qui n’interpelle pas trop les spectateurs nationaux, et des films aussi ambitieux et originaux que Tokyo Sonata et Still Walking, qui bousculent bien plus les esprits. Les Américains récompensent des oeuvres conformes à  leurs idéaux et conceptions artistiques, du moins ceux des décideurs hollywoodiens fort aises de repérer à  l’autre bout de la planète un produit (puisque c’est de cela qu’il s’agit ici) étrangement similaire. On pariera donc sans risques sur un succès estimable de Departures.

Patrick Braganti

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Departures
Film japonais de Yojiro Takita
Genre : Drame
Durée : 2h11
Sortie : 3 Juin 2009
Avec Masahiro Motoki, Tsutomu Yamasaki, Ryoko Hirosue…

La bande-annonce :

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