Parking

affiche_12.jpgAvoir sa voiture bloquée par une autre garée en double file peut provoquer une cascade d’événements dont Chen Mo n’a probablement pas le moindre soupçon lorsqu’il s’arrête dans une rue de Taipei pour y acheter un gâteau au chocolat en vue du diner en compagnie de sa jeune épouse. Nous sommes un dimanche, c’est aussi le fête des mères, des détails qui ont toute leur importance dans Parking, premier film réussi et jubilatoire du taîwanais Chung Mong-Hong, où rien ne semble jamais être laissé au hasard. Sur une trame de l’emmerdement maximum, où la nuit amoncèle les déconvenues et les rebondissements pour le jeune héros, qui n’est certes pas sans rappeler une autre folle dérive nocturne, celle du modeste informaticien dans After Hours (1985).

Là  où Martin Scorsese optait pour le registre de la comédie noire dénonçant un monde individualiste et kafkaîen, Chung Mong-Hong multiplie les styles et dresse en creux l’état de la société asiatique contemporaine. Donnant l’impression de s’inventer constamment sous nos yeux, Parking tient donc tout à  la fois de la comédie, du film noir, du documentaire et de l’étude sociologique. En parcourant les différents étages de l’immeuble devant lequel est stationné son véhicule, pour tenter de mettre la main sur les propriétaires indélicats et successifs des voitures qui l’empêchent de sortir, Chen Mo rencontre un vieux couple élevant leur petite-fille, un coiffeur manchot, une prostituée chinoise et un tailleur hongkongais. Malgré sa construction linéaire (espace temporel d’une nuit), Parking saupoudre quelques flash-back fournissant à  rebours les clefs de la situation des personnages. Alors que les vingt premières minutes campent une histoire très émouvante qui pourrait à  elle seule constituer un long-métrage, Chung Mong-Hong opère une complète bifurcation pour nous plonger dans un univers autrement plus sordide.

Le réalisateur taîwanais vient du documentaire et de la publicité, et son passé professionnel resurgit dans sa première fiction. Egalement scénariste et directeur de la photographie, Chung Mong-Hong soigne particulièrement le cadre et la lumière en installant une succession d’ambiances avec l’alternance de couleurs chaudes et froides, où l’angoisse, l’étrange et le poétique s’entremêlent. Sa caméra mobile multiplie les angles et les prises de vues et à  peine soulignerons-nous le recours inutile au ralenti (la scène du marché de nuit) et le filmage esthétique du défilement des nuages. En effet, à  part ces quelques faux pas, Parking est une intéressante proposition de cinéma, : transformer un minuscule cabinet de toilette où surnage une tête de poisson dans un , lavabo en un lieu où se déploie toute la magie du cinéma suffit à  prouver le talent et l’imagination de ce nouveau venu.

En agglutinant dans une unité de temps et de lieu plusieurs trajectoires et plusieurs nationalités, Chung Mong-Hong réfléchit aussi à  la position de son pays. Si d’un côté l’île bénéficie d’une certaine autonomie par rapport à  son voisin continental, elle subit aussi les pressions de celle qui l’administre. Toujours est-il que Taipei pour la prostituée chinoise – licenciée de son entreprise – et pour le tailleur accablé de dettes que les voyous locaux persécutent est loin d’être un eldorado. Se refusant à  une issue trop noire, Parking est vraiment un petit bijou polymorphe, à  la palette diversifiée, de mise en scène dont l’imprévisibilité doublée d’une inventivité permanente nous réjouit.

Patrick Braganti

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Parking
Film taîwanais de Chung Mong-Hong
Genre : Drame
Durée : 1h45
Sortie : 26 Août 2009
Avec Chang Chen, Guey Lun mei, Jack Kao,…

La bande-annonce :

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