La vérité sur Marie, de Jean-Philippe Toussaint

9782707320889.jpgD’abord, il y a le désir et le sexe. Ensuite, la fièvre et les tourments. Enfin, l’incendie et la sérénité. Trois moments qui font l’acte sexuel, ses préliminaires et sa postérité. Trois moments qui sont les trois parties du nouveau roman de Jean-Philippe Toussaint. Et le roman de clore, de plus, une trilogie commencée par Faire L’amour et Fuir. Une trilogie sur Marie, personnage féminin insaisissable, excitant et mystérieux, dont on pense enfin, avec ce dernier ouvrage, connaître ses secrets, son dessein, sa vérité.

Plutôt que d’exposer frontalement le pourquoi du comment de ce fantasme de femme, Toussaint préfère nous dévoiler le véritable but de l’amour. Sa trilogie n’est finalement que des tableaux, des situations exposant des relations amoureuses, volcaniques ou larvées, silencieuses ou extatiques, fiévreuses ou platoniques. Et le tryptique présenté ici clôt de magistrale manière sa démonstration des difficultés dans l’apprentissage du désir et de la passion.

La Vérité sur Marie débute dans une nuit caniculaire et étouffante où les corps moites s’échauffent et s’éteignent aussi rapidement. Marie appelle le narrateur à  son chevet après l’arrêt cardiaque de son amant, rencontré au Japon pour des affaires hippiques. Le narrateur et Marie se sont aimés, séparés, restés amis. Un tourbillon de la vie qui renaît ce chaud soir parisien, pour bifurquer sur la rencontre tumultueuse entre Marie et Jean-Christophe de G., cet amant décédé depuis mais aussi fougueux à  leur rencontre que les chevaux dont il s’occupe. Surgit à  cet égard, au milieu du livre, un intense épisode où on essaie d’embarquer dans un avion pour la France un pur-sang taciturne en pleine tempête de pluie. Passage aussi étonnant que puissant, au lyrisme évocateur assez inhabituel chez cet auteur. Que l’on retrouve avec plaisir sur le troisième volet, sur l’île d’Elbe, déjà  présente dans Fuir, où Marie séjourne après le décès de son père et où le narrateur la rejoint pour des derniers instants de sereine félicité, de plaisir retrouvé et de corps dénudés, à  peine meurtris par un violent incendie qui ravage tout, sauf les sentiments qui les unissent depuis toujours.

J’ai beau dévoiler le fil de l’histoire, pas très originale, je ne peux en rien gâcher le plaisir de la lecture : car avec Toussaint et sa Marie, c’est à  un beau voyage littéraire que le lecteur est convié, emboîtements sensuels d’éléments déchaînés, de situations inédites et de passions tourmentées. Ecriture quasi cinématographique, personnages ouatés et suggérés, descriptions hallucinantes de faits plus ou moins intenses, Toussaint fait de petits riens des touts d’anthologie, avec une maestria que peu d’auteurs en France sont capables de mener jusqu’au bout de leur désir. Et chez lui (uniquement…?), tout n’est finalement que désir…

Jean-François Lahorgue

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La Vérité sur Marie, de Jean-Philippe Toussaint
Editions de Minuit
205 pages – 14,50 €¬
Date de parution : septembre 2009