Capitalism : A Love Story

affiche_13.jpgLa première constatation que l’on pourrait faire à  propos de Michael Moore, c’est qu’il semble perdre de film en film la verve comique qui le caractérisait à  ses débuts. Depuis Fahrenheit 9/11, on peut ressentir une chute libre du pamphlet vers une exaltation du patriotisme de plus en plus agaçant et indéchiffrable. Plus les sujets d’attaque coulent à  flot, plus ses arguments sont tirés par les cheveux et le résultat subjectif.

Ne reprochons pas non plus à  Michael Moore de faire ce qu’il fait ; car il faut du courage pour se battre en sens interdit, à  l’encontre d’un système construit sur des aberrations. On ne peut qu’être alarmé par le simple sujet de son nouveau film, parfois même par certaines preuves apportées à  l’investigation (un directeur de fast-food gagnerait plus qu’un pilote d’avion?!), mais à  force de partir en guerre et de construire une enquête sur une base minime (20 cas dans le monde suffisent-ils à  désigner la planète entière?), le pamphlétaire ôte toute notion de finesse en dénonçant par le biais d’une provocation lourde, dont le but est de mobiliser le plus de monde possible. La démarche n’est pas sans intérêt, loin de là , mais c’est avec de gros sabots que le cinéaste compte remuer le public en nous affichant les salauds qu’il a pris par le col. Il y a même chez ce trublion agité une certaine propension à  la condescendance, ce qui perturbe considérablement la vocation humaniste du documentaire.

Car les gros plans de ces familles qui pleurent un de leur membre tiennent vraiment de la manipulation émotionnelle ; cadrer le petit garçon en larmes, puis l’adolescente, le père »Cette focalisation sur la souffrance, forcément efficace puisqu’elle nous concerne aussi, n’en demeure pas moins discutable et pénible parce qu’elle joue avec de fragiles sentiments qu’on ne peut pas nier mais dont on sent le malaise qu’ils provoquent, volontairement. Mais un documentaire, tout comme un film, ne doit pas arriver à  ses fins en jouant autrement qu’avec la psychologie du spectateur. L’inciter à  participer émotionnellement au désastre n’est pas la manière la plus saine qui soit de prouver les choses ; c’est au documentariste de se servir des matériaux concrets pour conclure, et fermer la parenthèse – particulièrement amère ici. A force de prendre cette posture d’observateur muni d’un recul que le spectateur ne peut avoir (ni vous ni moi, tant que nous ne sommes pas dans la compréhension limpide et entière du problème), son travail finit par ennuyer dans ses deux longues heures rébarbatives et moralisatrices sur la situation des Etats-Unis. Certes, le monde va mal, Michael Moore s’en est rendu compte et sait parfois le dire comme il se doit, à  quelques rares moments où son énergie est mise au service d’une pensée artistique sur la transmission documentaire. Mais pour le reste on croirait voir un polémiste joyeux et un brin enfantin, qui prend un malin plaisir à  se servir de nos bonnes consciences pour jouer avec et parvenir à  sa propre conclusion.

Jean-Baptiste Doulcet

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Captalism : A Love Story
Film américain de Michael Moore
Genre : Documentaire
Durée : 2h06
Sortie : 25 Novembre 2009

La bande-annonce :