The Ghost Writer

ghsot.jpgMettons de côté l’actuelle démonstration des faits concernant la culpabilité de Roman Polanski ; car »The Ghost-Writer » même s’il est vendu sur la victimisation du cinéaste, n’a pas d’autre ambition que de renouer avec les codes du thriller classique de la grande époque Polanskienne. A moins que celui-ci ne cache des dénonciations politiques et géo-politiques en rapport avec le cas juridique du réalisateur polonais, finement dissimulées dans un récit en château de cartes.

Le parti-pris ici est de laisser dans l’ombre beaucoup de pistes ouvertes, notamment sur le rapport infidèle de la femme de l’ancien Premier ministre avec son écrivain / fantôme, ou alors des géographies qui parsèment le film, de façon à  ce qu’on ne sache jamais vraiment ni quoi ni qui est pointé du doigt dans les agissements énoncés.

L’oeuvre nouvelle du maestro pose pourtant un problème de taille (qu’il faut considérer comme non-valable si l’on prend en compte l’aspect juridique de son histoire personnelle qui se déroulait encore durant le tournage) ; on connaît Polanski pour son sens de la mesure et de la direction narrative extrêmement cadrée jusqu’à  l’épure rythmique, mais ici la définition millimétrée de chaque élément (jamais pleinement abouti) ne joue pas en la faveur du scénario. Englouti sous une perfection qui devient vite une propreté, le film en perd l’aspect visuel et le relief de l’écriture se limite à  une simple ligne directive et frontale. Seul émane des vingt dernières minutes la véritable force à  laquelle nous avait auparavant habitué le cinéaste (la révélation d’une énigme qui peine à  se mettre en place, le plan-séquence fascinant sur le papier qui navigue entre les mains puis, maestria de réalisation en guise de clôture, la mort hors-champ). Alors que jusque-là « The Ghost-Writer » semblait tiède, non pas prévisible car il réservait quelques surprises troubles (notamment dans les figures quasi-mythologiques des femmes, loin d’être épargnées du drame, ou bien dans la ressemblance physique trait pour trait entre le Premier Ministre et sa femme, Brosnan et Williams), la tragédie vient puiser toute sa superbe dans l’inspiration grandiose du dénouement. Certainement faudra-t-il revoir le film dans dix ans, qu’il mûrisse comme un bon vin ; à  ce jour il paraît encore frais et intouché dans sa véritable complexité. On peine à  cerner quel film Polanski a voulu faire, ce qu’il a voulu dire et montrer. Le rythme semble parfois paresseux, faiblard, et c’est pourtant une tension langoureuse qui s’installe, tenace jusqu’aux dernières minutes, valsées par l’étrange musique d’Alexandre Desplat (peut-être sa plus belle partition à  ce jour).

Il y a une veine hitchcokienne dans les facades multiples du thriller, et parfois dans le même geste une déroutante sensation de mollesse en totale contradiction. Ainsi faut-il peut-être du temps pour prendre conscience de l’intelligence de la mesure que Polanski prend avec son sujet, de la distance avec laquelle il dirige ses personnages, leurs parts d’ombres et leurs relations dans les fils du scénario. Jusqu’au jeu d’acteurs à  la limite de la fadeur et qui, bientôt, prendra peut-être tout son sens. Voilà  ce qui découle de »The Ghost-Writer » : un film irréprochable mais difficilement aimable, dont seul le temps peut être garant de son aboutissement. Quelque chose qui ne s’explique pas vraiment mais qui, malgré tout, s’affirme comme une certitude.

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Jean-Baptiste Doulcet

The Ghost Writer
Film français de Roman Polanski
Genre : Thriller
Durée : 2h08 min
Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Kim Cattrall…
Date de sortie cinéma :,  3 mars 2010