Blanc comme neige

blanc.jpgQue peut donner un film d’auteur français qui s’essaye au thriller musclé rappelant sous bien des formes les chasses à  l’homme de quelques frères Coen ? D’agréables surprises, comme cet essai descendu par une majorité de la critique mais qui peut prétendre défendre une certaine tension cinématographique plutôt rare dans notre pays ; il n’est pas question cette fois de dire que la réalisation et la construction tripartite s’inspire de l’école américaine, car ça serait mentir.

En réalité, Christophe Blanc parvient à  insuffler un rythme interne à  sa mise en scène qui guide le film entier jusque dans ses étranges contrastes. La première partie, maladroite exposition des faits et des personnages, demande tellement aux comédiens d’être installés dans ce qu’ils savent habituellement faire qu’ils n’y arrivent même plus ! Mis à  part François Cluzet, toujours impeccable, Olivier Gourmet et Jonathan Zaccaî se perdent dans deux pathétiques caricatures de la figure fraternelle, tandis que Louise Bourgoin peine à  retrouver le charme de »La fille de Monaco ». Son rôle trop en retrait est la principale raison de ce manque d’engagement à  l’écran. Quant aux finlandais des seconds rôles, leur raideur se réduit elle aussi à  la simple caricature des méchants en costumes. Pourtant, sans crier gare, le tourbillon peut surprendre dans son sommet vertigineux à  partir duquel tous les éléments mis en places retombent comme des couteaux sur la tête du personnage, devenu la victime irrécupérable de ce drame financier (que le scénario refuse bêtement de nous expliquer). On ne sait donc pas grand-chose des raisons, il n’y a aucun pivot pour lancer le film dans une direction particulière, tout reste dans l’ombre ainsi on ne peut adhérer qu’à  moitié à  l’action qui en découle. Mais l’assemblage cruel, l’étau qui se resserre créé une empathie passionnante envers la victime. L’arrivée soudaine des étendues glacées de Finlande vient se superposer au mystérieux déroulement du film, n’apportant aucune logique véritable à  un scénario manquant terriblement de précision et de finition. Pourtant, la chasse à  l’homme devient dans le nouveau décor une poursuite infernale d’une force étourdissante (« Fargo » n’est pas loin, toute proportion gardée) ; toute dimension métaphorique mise à  part, en éloignant d’emblée les questions que se pose le personnage au début du film (qui nous montre le point de chute de l’histoire), cette troisième partie vaut pour ce qu’elle est, c’est à  dire un montage serré et hâletant qui permet de redonner une nervosité au film, le faisant passer pour virtuose alors qu’il est juste maladroit. Christophe Blanc réussit à  travers cet enchaînement improbable à  mettre en scène un véritable risque ; celui de couper en trois une action dont l’aboutissement est généralement la conséquence d’un début et d’une fin. Il prend aussi le parti de miser sur une réalisation au cordeau pour pallier d’évidentes carences scénaristiques.

Au final, dans son étrangeté formelle assumée et déroutante, »Blanc comme neige » passe pour novateur alors qu’il est profondément classique et cela sans l’assurance nécessaire. On finit donc par se laisser transporter, voire bercer jusqu’au plan final, magnifique apparition d’un fantôme qui revient furtivement.

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Jean-Baptiste Doulcet

Blanc comme neige
Film franco-belge de Christophe Blanc
Genre : Drame / Thriller
Durée : 1h35 min
Avec : François Cluzet, Olivier Gourmet, Louise Bourgoin…
Date de sortie cinéma : 17 Mars 2010