L’Illusionniste

illusio.jpgIl aura fallu 7 ans à  Sylvain Chomet pour que son nouveau dessin animé voit le jour sur grand écran. Fort du succès public et critique des Triplettes de Belleville, animation singulière au charme des vieux films français hors du temps, entre province et mégalopole, entre rire et tristesse, entre son et muet, couleur et N&B.

Cette fois-ci, »L’illusionniste » conte le quotidien d’un magicien dont l’honnête travail se voit détrôné par l’arrivée du rock dans le monde du music-hall. Constatant que sa solitude dépasse sa vie privée, il tente de réconquérir un public jusque dans une île écossaise où sa rencontre avec une petite fille va le transformer en un grand-père protecteur.
De cette belle histoire pensée par Jacques Tati (jusqu’à  l’écriture totale du scénario!), Sylvain Chomet réalise un dessin animé tentant de retrouver les mécanismes de son précédent film. Mais cette fois, aucun univers ne prend vie à  l’écran. Les décors se banalisent dans leurs détails et leur confort vieille france, les traits des personnages sont grossièrement tirés (Alice, la petite fille, est dénuée de caractérisation physique), la musique se fait pesante : le charme rustique ne peut coller avec cette vision rétrograde du monde. Là  où »Les triplettes de Belleville » fonctionnait sur un rythme absurde et une série de personnages obsédants, »L’illusionniste » ne fait que coller aux basques d’un personnage fondu dans la masse et dont la particularité physique (grandeur, minceur, élégance) ne pouvait ressortir que si Tati lui-même avait tourné le film dans ses cadres immenses et millimétrés, comme si chaque plan était avant tout une scène de théâtre.
Chomet
, lui, adapte scrupuleusement un scénario simple (voire simpliste) dont la force humaniste se noie peu à  peu avec la naîveté du dessin et des couleurs, caricaturant l’évolution artistique et reniant certaines formes de progrès social pour une mélancolie tristounette, au bord de l’ennui et dont la rusticité exagérée laisse deviner une préférence vers l’univers ‘vintage’ (mais après tout, n’est-ce pas la base du cinéma que de devoir faire un choix et d’exprimer son point de vue). Mais cette poésie désabusée, lancinante, répétitive, entre le monde de l’enfance et l’aboutissement de l’âge adulte, devient rapidement moralisatrice, insistant avec candeur sur le coeur d’enfant qui est en nous, cette magie du regard que l’on ne doit pas abandonner et l’immense spectacle qu’est la vie (la grâce, peut-être, des dix dernières minutes où tout s’éteint jusqu’à  l’écran noir) »L’illusionniste » aurait pu être un nouveau chef-d’oeuvre de l’animation traditionnelle française, pourtant cette fois l’alchimie entre humour et émotion ne fonctionne pas. Le silence des mots créé un vide dont ne souffrait pas »Les triplettes de Belleville ».

Chomet a voulu parler de la communication sans les mots, de la chanson sans paroles, mais à  ce dur défi manque l’habileté de la mise en scène et du conte, le jusqu’au-boutisme du non-rire qui en devient drôle, de la non-émotion qui en devient déchirante »L’illusionniste » ne réitèrera pas l’exploit des Triplettes, tout au plus il le prolongera avec paresse, et peut-être, au loin du voyage, apercevra-t-on l’odeur vieillie d’un film charmant pour enfants.

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L’illusionniste
Film français de Sylvain Chomet
Genre : Animation
Durée : 1h20
Avec les voix de : Jean-Claude Donda, Edith Rankin…
Date de sortie cinéma : 16 Juin 2010