Babet – Piano Monstre

Babet_piano_monstre.jpgJe suis tombé amoureux de Babet, musicalement s’entend, un soir de novembre. Quand la petite violoniste de Dionysos a déboulé sur la scène du festival des Inrocks qui s’y déroulait, non annoncée au programme, armée de sa seule guitare devant les rideaux rouges d’une salle qui attendait quelque indé grand briton.

Loin de se démonter, le petit brin de femme y enchaîna plusieurs titres de son premier album encore inconnu, devant une salle qui ne la reconnaissait pas. Tout était en place pour un futur lumineux : une voix un brin nasillarde qui deviendra sa signature, des mélodies accrocheuses presque folk, et une écriture simple et personnelle qui éloignent sa musique autant que faire se peut, de la nouvelle chanson française.

Longtemps sont restées tourner sur ma platine les chansons du premier opus. Que je réécoute avec un réel plaisir, comme je relis une bande dessinée qui me plait. Marrant d’ailleurs c’est ce même rapport BDphile qui me meut quand j’écoute Emily Loizeau« y aurait-il une approche similaire dans la musique des deux artistes ?

Et voici que revient Babet. l’artiste solo a mûri, et ça s’entend. De la  » timidité  » musicale relative d’un premier album qui cherchait sa place sur son échiquier personnel, au milieu des artistes français, et en parallèle de Dionysos, il ne reste rien. Babet a tourné en solo et reçu un accueil positif à  son premier essai : elle n’a plus rien à  prouver. Plus qu’à  se faire plaisir. Et à  ce jeu, la miss est très forte, même si la retenue et l’intimité semblent son registre autant que sa signature.

Le chant ne change pas. A peine est-il plus grave. Et la voix de nez de l’interprète ainsi que son timbre fera qu’on pense forcément à  Olivia Ruiz, proche de la galaxie Dionysos par affinité élective. Une écoute distraite forcerait le rapprochement vocal. Une écoute attentive trouve à  Babet une profondeur touchante, tandis qu’elle trouve un clinquant théâtral et démonstratif à  la Toulousaine en chocolat.

La musique de Babet aussi s’affirme. La guitare omniprésente et bille en tête du premier album n’hésite plus à  se parer de ses habits de bal au fil de piano monstre. Piano qui fait ici une belle apparition musicale autant que thématique. Babet soigne les arrangements, l’atmosphère, l’écrin de ses mélodies -parfois même jusqu’à  rendre la chanson un brin cruche, à  l’instar de Laîka par exemple dont les paroles m’apparaissent un peu tarte comparé au décorum qu’elle lui offre-. Il y a du piano, des cuivres, des bizarreries, de l’ambiance et de l’atmosphère et ceci convient bien à  ce piano monstre qui envoie la jeune femme lorgner plus du côté de l’imagerie Kate Bush que le Tim Burtonien habituel de Dionysos.

Les mélodies ne font pas toujours mouche, certes, et on aurait sans doute aimé retrancher l’un ou l’autre titre de cet album pourtant pas si long. Reste que quand Babet envoie de la pop classe, on songe à  Dionysos forcément, mais aussi à  The Divine Comedy époque Fin de Siècle, avec un chant en français qui ne vient pas ni intellectualiser, ni plomber la légèreté nécessaire à  une bonne pop song. Un type de chanson dont le single étendard je pense à  nous est un bon représentant.

Enfin, il y a plus encore que sur le premier album ce qui me fait réellement chavirer chez Babet : une écriture que je jalouse secrètement. Babet, comme Mathias Malzieu pour Dionysos, maîtrise une forme de français littéraire qui me parle. Cette capacité à  l’évocation de sentiments beaux, forts ou nobles via des phrases simples, qui ne nécessitent pas forcément le deug de lettres ou n’obligent pas à  la glose universitaire, le doigt se caressant le bouc.
Chez Babet, un sentiment est un sentiment, une chambre des toujours une vraie chambre des toujours, un voyage en amoureux sans doute un moment d’intimité sinon réel à  tout le moins plausible.

Et en enfilant ce qui en variété finit invariablement par sentir la quiche, Babet parvient, ce n’est pas la moindre des qualités de cet album, à  nous emmener en voyage dans la forêt où se tapit le piano monstre. Les amours de Babet font écho à  notre propre vécu, l’ambiance des lieux renvoie à  notre passif et elle fait vibrer, en toute simplicité la nostalgie de notre propre vécu.

Alors quand pour asseoir son propos, Babet s’amuse à  nous faire écouter le fruit de certains duos, certaines joutes avec Edouard Baer, Arthur H ou Hugh Coltman, on se rend compte que la minuscule microscopique de Dionysos n’a plus à  se demander si son existence solo a de la pertinence. La fille violoniste s’est muée en papillon femme artiste. Bravo.

Denis Verloes

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Tracklist

Label: Polydor / Universal
Date de sortie: 27 septembre 2010

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