Chatroom

chatroom.jpgGrâce à  sa présentation au festival de Cannes (section Un Certain Regard), on aurait pu croire que »Ch@troom » allait être le retour en force d’Hideo Nakata, cinéaste majeur de l’épouvante, subitement perdu dans un flot de nanars commerciaux. Et si son nouveau film remonte largement son image et lui redonne du prestige, il ne suffit pas à  combler toutes nos attentes.

A vrai dire, le concept du film est l’un des points forts, et autant dire tout de suite que Nakata n’invente rien puisqu’il s’agit de l’adaptation d’une pièce d’Enda Walsh. L’idée de confier à  des chambres d’hôtel décrépies le lieu concrêt d’un réseau de discussions en ligne est l’idée fameuse de ce cyber-thriller qui a le bon goût de rester un minimum humain et de ne pas tomber dans la surenchère psychédélique à  base d’ordinateurs. Avec ce procédé, le film convainc car il permet d’inventer l’idée d’un huis-clos et de nous faire oublier toute présence électronique, permettant aux acteurs de se pencher sur un rôle moins artificiel qu’à  l’accoutumée »Ch@troom » fait monter une tension hâletante jusqu’à  un dernier quart d’heure d’une grande force perverse qui retombe malheureusement en soufflé dans sa résolution affreusement moraliste sur les ravages du net. On préfèrera ce que quelques plans peuvent signifier (le travelling sur les baisodromes est effrayant), l’utilisation du décor comme l’intérieur d’un ordinateur qui peu à  peu dérape et passe de la déco high-tech aux couloirs suintants de pédophilie et de sado-masochisme. Dommage que parallèlement, Nakata réalise des scènes du réel délavées par d’affreuses teintes monochromes pour créer le contraste entre une vie morose que des ados veulent fuire et les couleurs attrayantes du net ; on tombe dans la facilité de mise en scène à  peine camouflée, et la grosseur des traits de chaque personnage devient gênante pour l’évolution du récit qui veut absolument se justifier par des ressorts psychologiques plutôt risibles (mal-être identitaire, tentatives de suicides ratées, éducation rigide, flash-backs larmoyants).

La maîtrise de la réalisation des scènes ‘virtuelles’ fait décoller le film mais on imagine parfois difficilement comment cette histoire peut prendre une telle ampleur tant les allers-retours incessants dans le réel nous rappellent les raisons dérisoires et pas très novatrices du drame qui se joue au coeur du programme. Quant aux seconds rôles, ils ne servent que de pions décoratifs et empêchent leurs interprètes de transcender leurs rôles d’ados mal dans leur peau, laissant la part belle à  un duo d’une force et d’une maturité exceptionnelle : Aaron Johnson et Matthew Beard.

3.gif

Jean-Baptiste Doulcet

Chatroom
Film britannique de Hideo Nakata
Genre : Thriller
Durée : 1h27 min
Avec : Aaron Johnson, Matthew Beard, Imogen Poots…
Date de sortie cinéma : 11 Août 2010