Cellule 211

cellule211.jpgDécor de docu-fiction chez Audiard (« Un Prophète »), enfer esthétique chez Refn (« Bronson »), parabole cruelle de l’adolescence chez Kim Chapiron (« Dog Pound »), la prison est dans tous les cas devenu un nouveau moyen pour les cinéastes de parler frontalement d’un système social régi par la peur et la loi du plus fort. L’exiguîté du lieu montre l’enfermement métaphorique des hommes dans une surface de combat où n’ont de valeur que la violence et la vengeance qui découle de chaque acte.

Dans »Cellule 211″ Daniel Monzon joue à  fond la carte du thriller dans lequel la lutte des positions sociales (des prisonniers contre un maton) donne lieu à  une fusion pour le droit à  la liberté de tous. Mais peu à  peu, grâce à  quelques astuces scénaristiques, le gentil maton caché derrière l’image du faux prisonnier embarqué par hasard dans la révolte, se mue en un véritable délinquant dont le désir de survie dépasse les fondements moraux de son éducation. Malgré ce grand jeu de la transformation progressive, du type bien qui se fait passer pour un gros dur aux côtés du leader de la prison, le cinéaste se refuse à  un moralisme pesant. Au contraire, il préfère éviter les joies du mélodrame ou de la résolution manichéenne ; son personnage est un vrai loup dont l’adaptation à  un milieu nouveau et les actes réfléchis et justifiés auxquels il est contraint de céder l’amènent tout de même à  traverser le mauvais côté.

Film sur la conquête du pouvoir, subtile épopée en huis-clos qui, comme tout récit depuis l’architecture des tragédies grecques, cache une histoire d’amour, le combat irréel auquel l’être humain peut se livrer pour la personne aimée, »Cellule 211″ déploie assurément une dramaturgie solide qui poursuit sans cesse un besoin de cohérence et de crédibilité. Lutte des gangs au sein même des règles carcérales, conséquences à  tout acte, Daniel Monzon montre brillamment qu’en prison comme ailleurs, toute installation d’un système tout-sécuritaire ne peut que renforcer la violence puisque l’homme en fait un motif de taille pour la renverser. Dommage que soit oublié face à  la force scénaristique, une nervosité stylistique digne de ce nom. Toujours en retrait, la réalisation joue maladroitement la carte du film-espion là  où le propos ne demandait qu’une brutalité maîtrisée et percutante. L’oeuvre y perd en séduction, souvent noyée sous une fausse sobriété qui masque un grand manque de réflexion sur la mise en scène. Mais grâce à  la grandiose direction d’acteurs (Luis Tosar impose une force surhumaine, Carlos Bardem est effrayant), »Cellule 211″ gagne sans difficultés ses galons de divertissement philosophique de très bon niveau, qu’il serait franchement dommage de rater même si Monzon dégoupille aveuglément le potentiel cinématographique de son sujet.

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Jean-Baptiste Doulcet

Cellule 211
Film espagnol de Daniel Monzon
Genre : Thriller carcéral
Durée : 1h53 min
Avec : Alberto Amman, Luis Tosar, Marta Etura…
Date de sortie cinéma : 4 Août 2010

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