Fred Pallem & Le Sacre du Tympan – Soundtrax

soundtraxAvec, Le Sacre du Tympan, c’est huit bandes originales de films pour le prix d’une ! Soundtrax est avant toute une oeuvre orchestrale qui rend hommage aux grands compositeurs des années 60, d’Ennio Morricone à John Barry en passant par Francis Lai, Michel Magne et François de Roubaix.

Le principe n’est pas nouveau et certains artistes avaient déjà  entrepris ce genre de travail-hommage, soit refaire une plongée dans le patrimoine des grands compositeurs de musique de film à  travers quelques titres (c’est le cas de Concorde Music Club sur son Stéreo-Fiction) ou sur tout un disque. On peut évoquer Zombie Zombie remixant les musiques anxiogènes de John Carpenter (plutôt 70-80 dans ce cas) ou Mellow profitant de l’occasion donnée par la composition de la musique du film CQ pour s’amuser à  faire une BO entre psychédélisme et space-pop. De son côté, Le Sacre du Tympan avait rendu hommage à François de Roubaix en reprenant avec force synthétiseur sa bande originale de L’Homme-Orchestre. Avec Soundtrax, le groupe français passe en mode création dans un projet est à  la fois plus ambitieux, plus global et plus ludique.

Aux commandes, Fred Pallem a non seulement écrit toute la musique du disque mais il a imaginé les scénarios qui allaient avec : à  raison de 8 films différents et de deux thèmes par film, cela donne donc seize instrumentaux joués par une dizaine de musiciens avec section cuivre, flûte, synthétiseur, guitares, batterie et basse tenue par Pallem lui-même. L’idée fait sourire (le livret raconte le sujet de chaque film) ; elle est un peu gadget à  fortiori quand on comprend que le disque peut s’écouter et s’apprécier sans cette connaissance préalable. Mais cela a le mérite d’exprimer une vision globale. A se demander si, au delà du côté « je me marre à  imaginer des scénarii improbables » Pallem a entamé une réflexion sur quels étaient les tics de compositions liés à  tel genre de film. C’est par exemple vrai pour Il Colore dei Soldi, thème du film éponyme (une sombre histoire de mafia) qui rappellera le style italien d’Ennio Morricone avec une rythmique en forme de engrenage fatal ou de machination en marche. Sur Ti Seppellirei nel giardino, tiré du même film, on ressent tout le suspense d’une action mouvementée dans un style plus proche d’un John Barry (comme un James Bond en mode exotique). Sur Attack of the Sex mad hippo, tiré du film »Virus from outer Space » (un virus transforme les animaux – à  commencer par un hippopotame ! – en monstres assoiffés de sexe) où, Le sacre du tympan s’en donne à  cœur joie avec des claviers eux aussi venus de l’espace et de Pierre Henry. Le Bal des soubrettes, sorte de comédie grivoise et franchouillarde, adopte une musique goguenarde de fanfare et Plurabella strikes again sorte de mix entre Barbarella et Fantômette, nous ramène dans une boite du Swingin’London avec solo d’orgue hammond (Plurabella ‘s walk).

Le disque est en tout cas homogène sur son aspect « grand orchestre », Le Sacre du Tympan met les plats dans les grands pour un résultat qui a du souffle. Chaque titre ne ressemble pas totalement au travail d’un seul compositeur : derrière les fameux synthés proche de Pierre Henry, il y a des cuivres que le compositeur barbu n’aurait certainement pas adopté. L’instrumental Teenagers by the Lake (tiré de Summer of 74) rappelle largement un thème de L’homme-orchestre mais la guitare qui l’accompagne évoque plus le picking de Paul Mc Cartney que De Roubaix. Soundtrax aura aussi le mérite de rendre à  César : The Naked Bath, tiré du film éponyme (une histoire de jeunes filles s’éveillant à  la sensualité), ne prend pas son influence chez Air (qui n’a rien inventé) mais chez François de Roubaix, Francis Lai ou les Pink Floyd. Soundtrax a donc des vertus pédagogiques, encore plus si, en écoutant ces musiques riches d’harmonies et de trouvailles sonores, on a subitement envie de se replonger dans des musiques des années 60 (qui souvent valaient mieux que les films pour lesquels, elles avaient été composées).

La qualité de ces instrumentaux dépasse donc le seul intérêt de voir en Soundtrax, un disque composé « à  la manière de… » ou une ode à  la nostalgie. A la fois mélange de pop, de jazz et de musique classique (à  l’image des compositeurs de l’époque qui mêlaient avec brio les trois genres), ce disque est une grande oeuvre en soi, un plaisir d’aujourd’hui plus qu’une madeleine de Proust.

4.gif

Denis Zorgniotti

Fred Pallem & Le Sacre du Tympan – Soundtrax
Date de sortie : 31 mars 2011
Label : Music Unit / L’Autre Distribution