Bon Iver – Bon Iver

Dans la liste des sorties du moment, le deuxième album de Bon Iver avait la chance d’être impatiemment attendu par ceux qui avaient succombé à  la beauté de son premier essai »Forever Emma, Forever Ago » recueil de folk limpide confectionné en quasi-ermite.
Justin Vernon, l’homme caché derrière Bon Iver, a eu l’intelligence d’éviter de reconduire la même formule acoustique : fini l’ambiance épurée genre »Nebraska » de Springsteen ou »Pink Moon » de Nick Drake, place aux arrangements variés et à  l’électricité.

Si le précédent s’avérait touchant dans le dénuement de son ambiance rurale, son successeur affirme la volonté de son auteur de changer de paysage et d’évoquer un décor plus contemporain.
« Bon Iver » est donc un objet à  la fois plus excitant mais plus ambigu, dont la production minutieuse évoluant vers un climat plus clinique donne à  réfléchir sur Vernon lui-même : fait-il encore du folk ? Notre homme loin d’un folkeux gratouilleur ne serait-il pas un vrai laborantin sonique tenté par l’abstraction et la création d’espaces esthétiques ?

Un disque qui impose sa maîtrise de mélodiste/chanteur et d’évidence beaucoup bâti autour de sa voix céleste (« lumineux Holocene ») habillée à  l’occasion d’effets électroniques.
Un travail d’orfèvre jugé plutôt fascinant dans mon cas, mais non exempt d’un aspect exercice de style que les plus réfractaires à  la voix parfois maniérée et auto-tunée de Vernon pourront juger démonstratif.

Même proche d’un certain clinquant sonore (« Hinnom TX »), cet opus éponyme est au service d’une inspiration mélodique jamais prise en défaut (le single Calgary) où respire une classe et une élégance évidentes.
Confirmant le virage entrepris avec sa récente collaboration avec Kanye West, on est alors tenté de mettre le parcours de Bon Iver en parallèle avec deux autres solitaires : celui d’un Sufjan Stevens, en moins alambiqué – même dispositif  » une chanson-un lieu  » – et un certain … James Blake qui partage le même goût pour l’apesanteur et la préciosité vocale!

Que Bon Iver se dirige dès lors vers le dubstep ou un soft-rock très limite comme celui du dernier titre de son album (à  rapprocher du son du groupe Gayngs auquel d’ailleurs il collabore) n’aurait rien d’étonnant et regarde ce déroutant faux ermite qui semble cependant avoir toutes les cartes en main pour tracer une route qu’on lui souhaite libre et prometteuse.

 

Franck Rousselot

Bon Iver – Bon Iver
Label : Jagjaguwar/4AD
Sortie : 20 juin 2011