Piers Faccini – My Wilderness

Parfois les rencontres avec certains artistes prennent du temps. Ainsi, prenez le cas de Piers Faccini : découvert en 2004 lors de son album inaugural Leave No Trace sous influence du folk intimiste de Nick Drake, j’avoue avoir perdu de vue depuis le discret song writer après un deuxième volume (Tearing Sky) un peu encombré par l’omniprésence de Ben Harper, jusqu’à  en avoir zappé son troisième essai en 2009 (Two Grains of Sand). Mais toujours se méfier de l’eau qui dort : voilà  que le tenace »globbe-trotter singer » sort un nouvel opus dont je n’attendais rien et qui se révèle pourtant à  mes yeux d’une totale évidence.

Un beau travail d’orfèvre qui voit notre italo-anglais basé en France révéler toute l’ampleur lumineuse de son folk subtil en le frottant d’influences africaines, moyen orientales, slaves ou tziganes et ainsi larguer pour de bon la cohorte de ses rivaux folkeux grand public encombrant trop souvent à  mon goût le marché musical.

Sans jamais verser dans la world music plaquée, My Wilderness colore à  bon escient le folk pop toujours de bon goût mais parfois sage et poli de Faccini pour nous entraîner dans une libre virée entre continents, ballade balkanique et pop intimiste (The Beggar & The Chief), blues africain et folk blanc (les très réussies Tribe et Dreamer) signant des perles immédiates à  damner tous les groupes actuels aspirants à  l’afro pop.

Une convaincante alchimie musicale qui le voit marier la mélancolie séminale du folk anglais (le Fairport Convention de Richard Thompson, Nick Drake) et le blues malien d’Ali Farka Touré dans le même élan, serti d’arrangements lumineux et cristallins de cuivres et de cordes servis par des instrumentistes inspirés comme l’artiste malien Makan Tounkara, le trompettiste Ibrahim Maalouf ou le violoncelliste Vincent Segal. Cet opus plus varié, dynamique et cohérent révèle un charme faussement classique et tenace où son timbre de voix voilé bonifié par le temps touche lors d’introspectifs morceaux (les émouvants Strange Is The Man et The Branches Grow en tête) le parallèle souvent évoqué avec Nick Drake ou Jeff Buckley se révélant évident et jetant définitivement le trouble.

Si le genre folk pop est devenu un créneau fort encombré peu porteur de vraies richesses musicales, avec cet album plus risqué qu’il n’en a l’air, très harmonieux et d’une tranquille luminosité, Piers Faccini, l’air de ne pas y toucher, vient de livrer sa plus belle réussite qui devrait inquiéter RayLaMontagne, Iron & Wine, voire Bon Iver : la preuve qu’en Europe aussi, on sait faire de bons disques de folk.

Franck Rousselot

Piers Faccini – My Wilderness
Label : Tôt ou Tard
Sortie : 26 septembre 2011