Juste avant, de Fanny Saintenoy

 » Juste avant  » premier roman de Fanny Saintenoy, c’est l’histoire de deux voix qui s’entremêlent et communiquent dans la torpeur des derniers instants d’une chambre d’hôpital. Deux voix, comme deux souffles qui se répondent, celui de Juliette, sur le point de s’éteindre, et de son arrière-petite fille qui n’est autre que l’auteur. Un récit à  la fois juste, drôle et poignant.

Cette histoire, Fanny Saintenoy l’a longtemps portée en elle. Elle devait coûte que coûte l’écrire un jour, comme un ultime hommage à  cette arrière-grand-mère, dont la parole ne fut jamais réellement entendue. A travers l’écriture, c’est donc une tribune que Fanny offre à  Juliette, avant que celle-ci ne s’endorme à  jamais. C.’est une existence traversant le siècle passé que le lecteur découvre alors et qu’il retrace avec elle, découvrant en même temps, le regard qu’elle pose à  présent sur sa vie. Et c’est ce qui rend le récit si touchant. Pas de regret semble-t-il, juste un oeil tantôt nostalgique, rageur ou amusé sur ce qui fut. La grande guerre et son envoi en pension chez les soeurs au fin fond de la Normandie. Les pieds gelés par manque de soins, elle y perdra ses orteils. Le personnage de sa mère « au masque sévère » qu’elle voudrait bien à  présent retrouver auprès d’elle. Son mariage avec Louis, militant communiste, mort en héros pour la liberté de la France et dont on ne retrouvera jamais le corps. Le clan se reforme alors du côté de Bergerac, entre ses parents, sa soeur Suzanne et sa fille Jacqueline, qui mourra à  son tour du cancer à  cinquante ans. Une occasion pour Juliette de s’interroger aussi sur l’ordre et la logique des choses, qui n’existe pas, de réaliser que « son enfant en sait plus que vous là -dessus ». C.’est également dans ces moments-là , les plus durs, que se reforme sans cesse, le clan familial, couvrant au total cinq générations de femmes (dont l’auteur et sa fille), comme une solidarité secrète persistante et renaissant à  chaque épreuve, alors même que les hommes disparaissent. En face, son arrière-petite fille semble la redécouvrir chaque jour un peu plus. Mais là  encore, l’auteur ne verse à  aucun moment dans le pathos. Son écriture est empreinte d’une force qui semble lui être communiquée une dernière fois par Juliette. Que peut-elle encore demander à  cette dernière ? Un nombre infini de choses, certainement. Souffre-t-elle ? A-t-elle peur ? Sait-elle qu’elle n’est pas seule dans cette chambre impersonnelle et trop blanche ? En ce sens encore, plus qu’un exutoire, l’écriture agit comme par magie, défiant le silence insoutenable de l’hôpital. C.’est aussi en cela que ce récit trouve son universalité, comme une merveilleuse consolation pour tous ceux que ce silence a pu broyer un jour. En refermant le livre, le lecteur est ému mais a envie de remercier l’auteur pour lui avoir fait écouter ce qu’il voulait peut-être entendre depuis longtemps. C.’est à  sa propre Juliette, qu’il pense alors. Comme un cadeau de vie arraché à  l’inéluctable course du temps.

Virginie Chapelain

Juste avant, de Fanny Saintenoy
118 pages – 12€¬
Editeur : Flammarion
parution : 24 août 2011