Barbara Carlotti – L’Amour, L’Argent, le Vent

On n’attendait pas Barbara Carlotti à  ce niveau. La formule a des airs d’exploits sportifs mais il s’agit bien de musique et de ce que la chanson pop francophone peut donner de meilleur. On aimait son prénom, on adore son nom.

Barbara Carlotti n’est pas une débutante, elle qui a su attirer l’attention et la production de Bertrand Burgalat pour son premier EP, elle qui est à  ce jour la seule artiste française signée sur un des labels anglais de référence, 4AD. Dans Les Lys Brisés, Carlotti avait combiné charme à  la française – dans l’acception la plus élégante de la formule – et amour de la pop anglaise, comme la rencontre de Françoise Hardy, avec les Zombies. Tout aussi sensuel – Barbara Carlotti est une vraie fille de l’eau et du soleil – L’Idéal était un album plus immédiat, plus simple musicalement. Sans aller à  la facilité, l’album était peut-être un cran en dessous.

C’est dire que L’Amour, L’Argent, le Vent est une grande et heureuse surprise. S’ouvrant sur le morceau-titre à  l’ampleur orchestrale (qui n’a rien à  envier à  John Barry), L’album est d’une tout autre ambition, comme si , Barbara Carlotti, plus confiante de son talent de composition, d’écriture et d’interprétation (quelle voix !), prenait le risque de plonger ses chansons dans des arrangements tour à  tour classieux, profonds, complexes. Certains mettront le compte de cette métamorphose sur ses , voyages répétés à  l’autre bout du globe. Il en reste quelques traces musicales comme le sitar sur Nuit sans lune ou le Koto sur l’Avenir (au final un morceau tout droit exhumé d’une BO des années 60). Sans doute, la Française avait besoin de prendre du recul et un peu d’air.

Mais l’essentiel est ailleurs : Barbara Carlotti a ici fait confiance à  de nouveaux partenaires. Fred Pallem du Sacre du Tympan, le producteur électro Benoît de Villeneuve et l’ingénieur du son Benoît Fresel. Sans perdre son style naturellement élégant et la fraîcheur de ses mélodies, la musique de la Française semble désormais chiadée à  l’extrême, pensée dans une globalité d’arrangements, de sonorités, d’harmonies, d’atmosphères. D’ailleurs, même les titres les plus directs recèlent d’idées musicales »grand train ». Le morceau le plus basiquement du disque, Quatorze ans, avec une musique en adéquation avec le propos (une jeune fille des années 80 dansant sur les tubes rock de l’époque) est tout sauf simpliste : guitares, claviers et choeurs ensemble dans un mariage à  trois, malin et jouissif digne des B52’S. On en sort totalement enivré, entre nostalgie et défoulement. Cette richesse musicale est présente aussi sur, Occupe toi de moi, qui, derrière sa mélodie primesautière, s’enroule autour de claviers vintages et de cordes majestueuses. Si la chanteuse aime les singles à  la sauce pop sixties, sa musique touche aussi diffusément au psychédélisme plus complexe d’un Pink Floyd et plus récemment de Mellow ou d’Air. Ce constat est encore plus flagrant sur les , morceaux les plus lunaires du disque, ceux que l’on écoute posément (Insomnie, Nuit sans Lune).

Ce n’est donc pas pour rien que L’Amour, L’Argent, Le Vent évoque parfois le meilleur de Gainsbourg, celui du début des années 70 ; , l’homme avait su (ré)concilier précision des mots et vision musicale, art mineur de la chanson et art majeur de la musique. Peu de nos jours arrivent à  tutoyer ce niveau (citons-en un, , Julien Ribot avec Véga), Barbara Carlotti y arrive. Abandonnant le côté gagman de sa personnalité pour revenir du côté lumineux de la pop,, Katerine , vient chanter avec elle, sur Mon Dieu, Mon Amour, comme un éclatant Gainsbourg/Birkin ressuscité. L’Amour, L’Argent, le Vent est définitivement la grande oeuvre de Barbara Carlotti. En attendant la suivante.

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Denis Zorgniotti

Date de sortie : 2 Avril 2012
Label / Distributeur : Atmosphériques / Sony

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Vidéo de Mon Dieu, Mon Amour

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