Inven/terre, Laar, Nibiaba – les sorties déroutantes des éditions Lustre

Inven/terre, Laar, Nibiaba ce sont les noms obscurs des trois dernières parutions des éditions belges Lustre. Trois objets/livres qui intriguent et questionnent sur la pratique de l’édition et de l’objet littéraire.

, Inven/terre, Laar sont les deux premiers de ces albums/questions, publiés par Lustre en collaboration avec le studio graphique Graphoui.,  Ils sont chacun comme un »versant » livre d’un projet bicéphale mené par Eric Dederen et Jacques Faton dont le site www.memoiresdufootball.be constitue le point d’ancrage numérique. Le projet en soi est difficile à  décrire, j espère que simple commentateur je n’en trahis pas l’essence: mémoires du football questionne en photographie, en vidéo et un peu en lettres, la pratique humaine du football. En partant d’une émotion enfantine pour ce jeu de ballon, les deux hommes choisissent la voie de l’entomologiste et de l’archéologue pour jeter les bases d’une réflexion artistique et sociologique de ce sport. Une réflexion qu’ils élargissent en multipliant les regards sur les spécimens de la pratique quotidienne de ce sport et en jouant de son ancrage géographique. En filigrane de cette accumulation d’objets foot on sent aussi la suggestion d’un questionnement social et , la présence de l’éternel gap Nord Sud.
Les deux livres choisissent de ne pas choisir de trame narrative réelle. Objet/art en forme de plié ( soit une feuille de 50×70 cm pliée qui peut se lire ouvert en poster ou fermé sous forme d’un livret à  découper) pour Inven/terre d‘Éric Dederen, on croit suivre pas à  pas le carnet de voyage d’un archéologue découvrant la pratique du football,  dans une civilisation intrigante, disparue, cachée. Qui pourrait vivre ou avoir vécu n’importe où dans le monde. On y trouve pèle-mêle notes manuscrites, fragments et ballons abandonnés. Le livre ne prend aucun parti, on dirait un témoignage d’un explorateur du passé, publié comme un carnet de voyage muet. L’éditeur ne choisit pas d’angle, choisit de laisser le lecteur s’immerger, s’interroger, se gratter la tête, jusqu’à  avoir une réaction de franc rejet ou d’adhésion purement esthétique.

Le travail de Jacques Faton est édité par Lustre sous une forme plus traditionnelle, mais c’est finalement cette habitude qui est questionnée. Laar en Peul ça veut dire regarde. Et ce qui ressemblait à  la base à  un catalogue d’exposition listant les oeuvres devient… Autre chose. A nouveau a mi chemin entre la forme du livre et autre chose. Les textes évoquent le carnet de voyage, l’accumulation de clichés, de lieux accroissent cette impression. Puis on se surprend à  feuilleter l’ensemble comme un grand livre de la faune mondiale, où les poteaux de but et les ballons constitueraient les objets d’étude, comme autant de variations auteur d’une même généalogie. Étudiées jusque dans l’environnement naturel: comment ces cages et ces ballons sont visibles encore dans leur forme originelle à  Dakar au Sénégal. Catalogue, roman, abécédaire, guide… Lustre ne tranche pas… Invitant le lecteur à  comprendre ou ne pas comprendre. A aller voir le site et les expositions liées, assurément.

, Dans le même parti pris de ne pas trancher, de questionner sans donner les clés de la réponse, Olivier Spinewine -l’homme derrière les éditions Lustre en duo avec sa comparse Alexia de Visscher–  publie aussi Nibiapa, témoin de l’ ouvrage à  4 mains de Spinewine et de sa fille de 6/7 ans. L’histoire du héros Nibiapa sorti tout droit de l’imaginaire enfantin, prend »forme »  dans ce petit recueil, mélange de plié, de BD, de dessins d’enfant et de fil romanesque. L’histoire est décousue comme seule sait l’être une histoire racontée par un enfant, l’auteur mélange ses créations qu’on sait intuitives, avec celles de l’enfant, sans qu’il soit réellement possible de savoir qui a écrit quoi, qui a dessiné quoi. Et plus largement sans qu’on sache vraiment s’il s’agit d’un roman pour enfants illustré, une manifestation d’art spontané, un rappel de l’art brut…. Une fois encore, Lustre nous perd. Une fois encore je suis sûr que c’est un des buts de l’éditeur.
Déroutant c’est le seul mot qui me vient a l’esprit pour décrire ces trois publications. L’éditeur joue a nous perdre,  dans la forme, le fond, et même jusque dans l’énoncé de l’objet publié, non histoire, non étude, non BD, non exposition, non sens…. Tout ce mélange dans une farandole un peu étrange d’émotions contraires. Il m’est du coup difficile de défendre ces publications avec une casquette de critique. Non il ne faut pas acheter les trois derniers livres de Lustre si vous cherchez des livres qui brillent par le fond et la forme BD de l’aventure.

Faut-il les acheter pour une autre raison? Oui si on a envie de l’acte primaire abscons et questionnant sur nos pratiques littéraires. Toutes nos pratiques jusqu’à  celle de l’achat »Mais pourquoi pourquoi est ce que j ai acheté ce machin? » vous direz-vous. Et je suis sur que dans son coin de Bruxelles Spinewine /Lustre se réjouira narquois de votre désarroi.

Denis Verloes

 

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Lustre, est le nom de la maison d’édition issue de l’asbl Grandir et dessiner, active depuis 2006. l’asbl s’est donné comme cadre (large) le texte et l’image, leur enseignement et leur promotion (édition et exposition).

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