Team Ghost – Rituals

Depuis mars 2013 que cet album hante mon baladeur en moyenne une fois tous les deux jours,bilan est plus que grand temps que je vous parle de Rituals, pour ceux d’entre vous qui y auraient échappé jusqu’ici.

Parler de la musique de Team Ghost c’est aussi creuser un peu plus le fossé des générations des blogueurs et critiques musicaux, parce que toutes les ambiances musicales auxquelles me renvoient rituals ont plus de 20 ans ou presque. Parlons d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…

L’album du groupe français emmené par Nicolas Fromageau et Benoît de Villeneuve, est un de ces disques qui obligent que l’auditeur pousse le son de son casque un peu au dessus des limites du raisonnable. Un disque plein d’atmosphère, d’affectivité aussi, qui se marie très bien avec nos envies urbaines d’en découdre avec le voyageur malade à  la station trucmuche qui ralentit notre flux de métroquotidien. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que la bio du groupe, abondamment relayée ça et là  rappelle que le bonhomme participa jadis à  l’aventure M83 maître de l’atmosphère du genre.

Et c’est vrai que sous les guitares shoegazze et les claviers plaintifs, on croit retrouver l’ambiance de ville pré apocalyptique qui faisait le sel des premiers essais de M83. Mais avec une pulsation, un rythme charnel et organique qui fait que l’auditeur cherche a rejoindre les survivants du fléau plutôt que d’admirer la beauté grandiose et amorphe du carnage. De l’héritage de M83 je peux aussi citer la science de la réalisation et du mixage. Rituals est un bijou d’agencement des sons, de calibrage des montées et descentes de rush, de l’arrangement juste au juste moment. Rien que cette composante mérite une écoute passionnante. Et pourtant il y a d’autres raisons d’aduler le disque.

Parlons maintenant de ce fossé référentiel des générations. Je suis un rejeton du milieu des 80’s. Ma première claque de concert consistait en le live des Pink Floyd à  Venise, multi diffusé sur les chaînes nationales (1989). J’ai usé à  l’époque la VHS où le pré ado que j’étais avait piraté cette grand messe. Et pas uniquement parce que je trouvais la choriste féminine en diable dans sa robe pourpre moulante. Quoique. à‡a a du jouer sur l’usure de la bande. Je me souviens qu’à  l’époque, le groupe emmené par Gilmour avait sorti a momentary lapse of reason, et que déjà  les fans de la première heure suspectaient les germes d’une décrépitude bien pensante. J’adorais cet album. Parce qu’en j’étais trop jeune encore pour avoir goûté aux expériences psychédéliques de la première incarnation du groupe, déjà  trop kéké pour faire comme tout le monde portant les t shirts à  l’effigie de The wall.
Rituals me fait énormément penser à  momentary lapse of reason. Et ce n’est pas forcément une preuve de notre besoin blogospherique, d’étiquetter tout ce qui nous passe à  l’oreille, puisque la pensée nostalgique est peu affaire de musique mais d’ambiance.

Sur la pochette de l’album en question on voyait un homme, seul assis sur le rebord d’un lit à  barreaux de métal. Mon imagination pré-adolescente se représentait qu’il s’agissait d’un lit de dortoir du service militaire. L’homme était assis, dépité. Son lit ainsi qu’une centaine d’autres était posée sur une plage sombre. Il était seul et avait choisi de s’asseoir, triste au coin du lit. Il aurait pu choisir celui-ci ou un autre. Tous se ressemblaient. Il semblait triste, abattu. Au delà  de similitudes sonores parfois évidentes ( le traitement de la voix synthétisé e dans l’écho, les nappes de clavier en arrière plan, le son de la guitare leader), c’est à  l’ambiance de Momentary…, et à  sa pochette quasi surréaliste que Rituals me fait songer. Choc des générations. Le sombre est une atmosphère, la mélancolie un matériau transcendé en un son qui doit finalement plus au rock originel et psychédélique qu’au passé électro d’un de ces auteurs. Rituals et sa mélancolie revancharde, évoque les moments de »descente » d’une ère post psychédélique.

Et de »post » j’ai encore envie d’en parler, pour convoquer une autre référence de vieux: le post rock, Plus que celle des groupes noirs façon Interpol et consorts, le jeu tout en spirale sonore des guitares de Team Ghost, convoque l’esprit des premiers Mogwai, voire même , les envolées électriques de Spiritualized en live si je veux trouver une référence qui fasse le lien psychédélique avec lesFloyd. Les titres sont construits pour se dérouler progressivement, dispenser chaque astuce sonore au gré d’un chemin tracé à  la guitare et renforcé par l’efficace travail d’arrangements, le subtil travail de production.

Que des références de vieux quoi pour un album qui ne sonne jamais, jamais passéiste.

Le résultat est , fondamentalement moderne. Orienté guitares, tout en faisant maintes et maintes références à  la musique électronique qui fut un jour le dada de son auteur, l’album navigue en eaux sombres avec une maîtrise incroyable du son et de son atmosphère générale. On aurait pu avoir droit à  de longues plages bruitistes contrebalancées par d’apaisantes contrées électroniques, c’est pourtant du côté du format »pop » que Team Ghost transforme l’essai. Tout se tient au format radiophonique dans un astucieux et désespéré mélange entre guitares puis machines. Tout se tient de telle manière qu’on y revient encore et encore et que Dead Film star par exemple a vite fait de devenir un de mes morceaux préférés du moment. Tout est agencé avec précision, chaque son chaque bruit de clavier semble là  pour accroître l’intensité. Et Rituals de devenir sans doute un de mes albums de l’année.

Denis Verloes

 

Tracklist

Label:cinq7/wagram
Date de sortie: 18 mars 2013

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