10 films de chevet de Franck Rousselot

Choisir 5, 10, 15 ou 20 films, ou plus encore, c’est réduire sa propre vision du cinéma à  l’essentiel. C’est faire des choix difficiles pour faire comprendre au mieux nos goûts et nos sensibilités, sans prétention aucune, sans asséner aucune vérité car nous avons tous des coups de coeur différents, des oeuvres d’art qui s’imposent à  nous comme des fulgurances, autrement dit des oeuvres de chevet pour simplifier le principe.

10 films de chevet de Franck Rousselot :

L’Aventure de Madame Muir – Joseph L. Mankiewicz (USA /1947)

Merveille de l’âge d’or hollywoodien, ce conte romantique est un des sommets du cinéma stylé et spirituel de Joseph L. Mankiewicz. Classique du cinéma américain poétique et rêveur, bercé par la mer et la musique de Bernard Herrmann, une magnifique fable de fantômes où la plus belle apparition est celle de la mythique Gene Tierney, sublime de beauté en jeune veuve qui s’ouvre à  la vie grâce au rugissant revenant Rex Harrison. Inoubliable.

La Sirène du Mississipi – François Truffaut (France / 1969)

Grand film sur la passion déguisé en film noir glacé, ce film trop sous-estimé est, selon la définition de son auteur, un « grand film malade » admirable. Une vibrante déclaration d’amour à son actrice Catherine Deneuve et un film fiévreux vital dans le parcours d’un Truffaut cartographe de l’absolu amoureux, auteur hyper-sensible dont le romantisme fondamental irrigue toute l’oeuvre, de Jules et Jim à La Femme d’à côté.

Fenêtre sur Cour – Alfred Hitchcock (USA /1954)

Comment choisir dans l’oeuvre gargantuesque du plus célèbre des cinéastes ? En piochant l’un de ses films les plus parfaits, métaphore du voyeurisme fondamental de son cinéma et modèle idéal de l’art hitchcockien : régal de suspense mêlé d’humour noir et prouesse technique virtuose, le jeu de cache-cache et de séduction entre James Stewart et Grace Kelly mitonné par le génial oncle Alfred est une fête ininterrompue d’intelligence et de plaisir.

La Nuit du Chasseur – Charles Laughton (USA / 1955)

Film unique de l’acteur Charles Laughton, La Nuit du Chasseur est un conte de fées d’un onirisme rare et une fable féerique dont la lumière noire ne fait que grandir au fil du temps. Thriller initiatique sondant les terreurs et merveilles de l’enfance autant qu’hommage à la beauté originelle du cinéma muet, ce voyage au bout de la nuit servi par un Robert Mitchum d’anthologie est un chef-d’oeuvre rare, un des diamants purs de l’histoire du cinéma.

Mon Oncle – Jacques Tati (France / 1958)

Anticonformiste au regard tendre, Jacques Tati est tout entier dans ce film doux-amer comme les notes de musique qui accompagnent Monsieur Hulot tout le long de ses déambulations. Autant moraliste à la Sempé que burlesque pince-sans-rire à la Buster Keaton, le plus graphique des créateurs comiques pourfend le snobisme et l’inhumanité de la société moderne avec l’âme d’un enfant narquois préférant les chemins qui musardent aux routes trop bien tracées.

Barry Lyndon – Stanley Kubrick (Grande-Bretagne / 1975)

Fresque en costumes d’une grandeur glaciale, la vie picaresque de l’arriviste Lyndon plongé dans les soubresauts d’un XVIIIème siècle cruel n’est pas seulement un film historique ébouriffant de maîtrise et d’esthétisme. C’est aussi l’oeuvre la plus révélatrice d’un Kubrick moraliste et misanthrope caustique disséquant au scalpel les vanités humaines, auteur d’une fresque désabusée révélatrice de son perfectionnisme sans égal et d’une rare lucidité.

Dead Man – Jim Jarmusch (USA / 1995)

Rêverie symbolique en forme d’hommage au western et ses mythes, Dead Man est une balade contemplative autant nourrie de dérision que de foi en un cinéma libre et baladeur. Road-movie atypique (comme tous les films de son auteur) sur les traces d’une Amérique légendaire et du cinéma primitif, l’aventure onirique d’un Johnny Depp perdu en « Jarmuschland » portée par la bande musicale géniale de Neil Young, ose la poésie et la langueur pour une fable discrètement mystique qui s’amuse de la mort pour mieux l’apprivoiser.

Il Était Une Fois En Amérique – Sergio Leone (Italie-USA / 1984)

Un des plus beaux films sur l’Amérique et les fantasmes qu’elle inspire, le dernier film du cinéaste italien est une saga foisonnante d’une mélancolie et d’une profondeur comparable aux plus grands romans. Oeuvre testamentaire sur le temps qui passe et le pardon impossible, c’est l’aboutissement du style élégiaque et lyrique d’un maître du récit et styliste inventeur de formes. Tout ici, d’un Robert de Niro magistral à la bande originale bouleversante du génial Ennio Morricone, est depuis longtemps rentré dans la légende.

Memories Of Murder – Bong Joon-Ho (Corée / 2003)

Polar dérangeant, burlesque bouffon, satire politique et plus encore : le thriller atypique de Bong Joon-ho est un régal d’atmosphère et de virtuosité déroutante. Respectant les codes du thriller pour mieux les détourner, ce cinéma imprévisible est l’une des meilleures nouvelles de ces dernières années révélant une génération d’auteurs (Kim Jee-woon, Im Sang-soo) et la vigueur d’un cinéma asiatique battant Hollywood sur son propre terrain.

The Tree Of Life – Terrence Malick (USA / 2011)

À peine couronné de la Palme d’Or 2011, et autant salué que pourfendu par la critique, le dernier film du plus secret des cinéastes est déjà  film de chevet ? Oui, tellement la beauté de ce film-poème, àla fois épopée cosmogonique et chronique lumineuse sur le deuil, retrouve le chemin des origines et la vocation première du cinéma : l’émerveillement. Aboutissement du cinéma panthéiste et spirituel de l’auteur de « La Balade Sauvage », ode à  la nature et voyage au pays de l’enfance touché par la grâce, The Tree of Life est un film parfois bouleversant d’une liberté absolue qui redonne foi dans le pouvoir d’un cinéma ample et visionnaire.

4 thoughts on “10 films de chevet de Franck Rousselot

  1. super content pour « L’Aventure de Mme Muir » qui a failli être dans la mienne et qui est le genre de film qui devrait être remboursé par la sécurité sociale. Du bonheur !

  2. Tiens, je vois qu’on en a un en commun Franck ! Mais lequel…. ah ah ? Réponse dès bientôt !!! ;-)

  3. Difficile exercice que celui de choisir ses 10 films de chevet quand on est un cinéphile voir cinévore !!!

    Belle sélecta en tout cas. Certains films avec lesquels je suis 100 % raccords, d’autres plus dubitatif. Mais c’est le jeu. On n’a pas les mêmes goûts, fort heureusement (« fuck la pensée unique »).

    « Dead Man » et « La nuit du chasseur » font parti de mon top 10. A propos de ces 2 films, le même noir & blanc somptueux, la même virtuosité plastique et excellence de la mise en scène. Autre point commun : l’importance de leur chef opérateur, tous deux des génies, de véritables « peintres cinématographiques ». Stanley Kortez pour « La nuit du chasseur » et Robby Müller pour « Dead Man » !!

    De Hitchcock et Truffaut, je n’aurais pas choisi les mêmes : « Vertigo » et….peut être la trilogie amoureuse ou « Le dernier métro ».
    De Kubrick : « Shining » ou « 2001 ».

    Perso, je mettrai (sans ordre hiérachique) :
    « Mulholland Drive » David Lynch
    « Taxi Driver » Martin Scorsese
    « Apocalypse Now » F.F Coppola
    « 8 et demi » Frederico Fellini
    « In the mood for love » Wong Kar Wai
    « Elephant » Gus Van Sant
    « Pulp Fiction » Quentin Tarantino
    « Mauvais sang » Leos Carax
    « La ligne rouge » Terrence Malick
    « Citizen Kane » Orson Welles (ou « La soif du mal »)

    « Sueurs Froides » Alfred Hitchcock
    « Macadam à deux voies » Monte Hellman
    « Solaris » Andreï Tarkoski
    « Le jour se lève » de Marcel Carné
    « Le parrain I & II » Coppola
    Et je me rend compte que j’en ai 15….difficile exercice je disais, alors bravo !!!
    A +

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