Noche Triste, de Stéphane Monnot

Il n’est jamais évident, lorsqu’on est novelliste, de rendre la lecture d’un recueil de ses courts écrits homogène. Et il existe pourtant un fil rouge, mince et fragile, que l’on peut tirer et que l’on use dans ce Noche Triste :,  celui des trajectoires banales qui vacillent brusquement, pour presque rien. Ou les grains de sable soudains qui viennent rayer des machines de vies bien huilées. Monnot constate, Monnot analyse parfois, Monnot envisage les conséquences.

Apparemment, Stéphane Monnot est un type bien : quadra amateur d’alcool, de rock, de foot, de littérature. Citer Thompson en plein coeur de la coupe du Monde de foot à  Séville, c’est possible. S’appeler Mick Jogger car on adore les Stones ET le footing c’est également possible. Et être amatrice de PJ Harvey tout en s’investissant dans une démarche militante économique, possible également. Noche Triste brasse cultures, genres, trajectoires et déviations existentielles avec une élégance touchante, car faite de simplicité (d’écriture, de situations) comme d’exigence quant à  la structure du récit – de la vraie nouvelle quoi, atmosphère, twist de milieu de récit, et chute mémorable.

On pourra toujours regretter certains passages bien convenus, ou une façon parfois trop généraliste de traiter des sujets casse-gueules et contemporains (les dons d’organes, la petite délinquance) mais c’est souvent dans l’onirisme ou dans la radicalité du style (comme dans »Patchwork facial » ou »Une pause ») que l’auteur convainc le plus : ses personnages à  la frontière de la fragilité et de l’abandon sont touchants, vrais, humains. Loin du manichéisme qu’on pourrait tirer de leurs situations parfois à  la lisière du fantastique.

Noche Triste ne l’est jamais, triste. Et témoigne au contraire de la vitalité toujours surprenante de la nouvelle, genre encore trop peu lu mais sur lequel on peut tout malgré les limites de l’exercice.

Et Stéphane Monnot s’y emploie avec une jubilation communicative.

Jean-François Lahorgue

Noche Triste, de Stéphane Monnot
Editions Antidata
180 pages, 10 €¬ environ
Date de parution : octobre 2012