Yves Saint Laurent – Jalil Lespert

afficheHormis l’interprétation en effet époustouflante de Pierre Niney (la voix et la gestuelle) qui, au-delà  de l’exercice purement mimétique, parvient, dans la première partie jusqu’à  la rencontre avec Pierre Bergé, à  rendre le jeune couturier tellement fragile et attachant qu’il fait naitre une véritable émotion, il faut malheureusement constater que le film à  qui on ne peut reprocher aucun faux pli tant il se révèle lisse et conventionnellement hagiographique passe globalement à  côté de son sujet en le survolant et en en gommant les aspérités. Que ce soit l’immense génie créatif de Saint Laurent d’une part, ou son mal-être (timidité maladive, peur et quête de la solitude, besoin de protection, état maniaco-dépressif), on a l’impression désagréable de rester en surface parce que tout est au final traité superficiellement, en enfilant les scènes platement illustratives de la déchéance mentale et physique, de la dissolution d’un couple fusionnel. Mais Pierre Bergé, homme d’affaires retors et visionnaire, a donné, et on saisit dorénavant pourquoi, son approbation tant on lui fait endosser ici le costume du martyr supportant les sautes d’humeur et l’égocentrisme inhérent aux dépressifs de son compagnon. En ce sens, il vaut mieux revoir l’excellent documentaire de Pierre Thoretton : L’amour fou (2010) ou lire le passionnant ouvrage de Alicia Drake : Beautiful People qui, elle, n’oublie pas le rôle prépondérant du troisième sommet du triangle parisien de la haute couture, Karl Lagerfeld.
La figure complexe et tourmentée de Yves Saint Laurent mérite certainement plus de profondeur et d’ambivalence que cette espèce de roman-photos léché et assez vain.

Patrick Braganti

1_5

Yves Saint Laurent
Biopic français de Jalil Lespert
Sortie : 8 janvier 2014
Durée : 01h46