R – Tobias Lindholm & Michael Noer

afficheLe héros, ou plutôt l’antihéros, des films de prison contemporains n’est plus le dur aux gros bras faisant régner sa loi ni un gardien vicieux et sadique. Ces deux-là  sont devenus en quelque sorte les faire-valoir de celui sur lequel s’est articulé hier Un prophète de Jacques Audiard, et aujourd’hui cette version danoise doublement réalisée qui fait davantage place au documentaire qu’au lyrisme et à  la trajectoire individuelle : le petit nouveau qui doit trouver sa place et la protection du caîd pour échapper du coup aux tâches ingrates et aux humiliations.
Presque mutique dans les premières minutes, le film s’avère donc un authentique huis clos qui utilise au mieux les ressources du lieu : cellules exigües, espaces de vie commune, cuisine, stade et lieux de promenade. Inévitablement violent, mais sans complaisance ni insistance, le film est davantage oppressant dans la brutalité sèche de ce qu’il montre, du récurage des latrines à  la dissimulation et à  l’éjection de capsules contenant la drogue qui circule entre les deux ailes du bâtiment.
Alors qu’on imagine les pays nordiques en avance dans pas mal de domaines sociétaux, on constate que l’incarcération produit ici comme là -bas les mêmes effets : communautarisation accrue entre ethnies qui amène à  une séparation géographique, exacerbant au final les antagonismes, explosion de la violence et des trafics, silence complice des gardiens, hiérarchisation des rapports sociaux et négation de la personne. Comme un agrandissement en pire et en concentré de la société du dehors.
R tourne le dos à  tout angélisme et tout espoir de rédemption, laquelle arrivera toujours trop tard. Terrifiant parce que les deux réalisateurs montrent frontalement la répétition mécanique et inéluctable d’un système qui détruit sans scrupules les plus faibles, les désormais inutiles ou gênants, en sachant très bien que le stock ne sera jamais tari, toujours renouvelé.
Ce parti pris renforcé par une mise en scène rigoureuse donne au film sa singularité subtile et son intégrité audacieuse.

Patrick Braganti

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R
Drame danois de Tobias Lindholm et Michael Noer
Sortie : 15 janvier 2014
Durée : 01h39