[Monnot-mania] : The Fleshtones – Wheel Of Talent

The Fleshtones

Je suis bien embêté d’avoir à  te parler de ce »Wheel Of Talent » des Fleshtones. Fallait que ça arrive un jour et c’est aujourd’hui. J’ai même failli jeter l’éponge mais je me suis dit : nannn… c’est pas digne !

Tout ça à  cause de mon côté prise de tête, mon côté l’art et son exemplarité : est-ce que ce truc n’est pas juste de la déco, un bibelot rétro mais neuf, usiné en Chine mais bien fichu, qui n’a d’autre utilité qu’allégoriquement prendre la poussière, c’est à  dire être inséré dans une platine, faire taper du pied et vitrifier dans les strates du temps quelques aficionados nostalgiques et/ou vieillissants ?

Putain ce disque est »Le Portrait de Dorian Gray » !

Si c’est le cas, félicitation aux Fleshtones, l’El Dorado est atteint »Wheel Of Talent » est bien ficelé, bien composé, bien joué. Tout est impec ! L’album balance un groove-rock hybride, croisement des Dandy Warhols et du généralissime B 52’s . Les six premiers morceaux sont très rentre-dedans, les sept suivants, plus posés et fortement typés sixties avec des ponctuations de guitares tremolo et plein de choeurs Doo-Wap de filles à  choucroute. Pour être franc, il y a même un ou deux gros tubes, »How To Say Good-Bye et Stranger In The House ». Il y a aussi cette petite espagnolade, »Yo Veo La Luz » toute déjantée, qui se pose au milieu de tout ça comme un rayon de soleil. Peter Zaremba en fait des caisses, chante super fort de sa voix de stentor, prend l’accent russe et roule les  » r  » façon Johnny Rotten… passe… il envoie du bois et fait le boulot comme il faut. Les Fleshtones sont un groupe de rock  » garage « .

Oh Yeah ! et à  la semaine prochaine.

Hep hep hep… minute papillon… il y a un truc qui me chatouille…. si l’El Dorado est atteint plus dure sera la chute parce que le »Portrait de Dorian Gray » finit pas très bien j’te rappelle.

On a quand même affaire à  des gars qui roulent leur(s) bosse(s) depuis 1976 et qui en sont à  leur vingt-deuxième album. Rien que ça ! Des gars à  qui, dixit leur page Wiki, la planète  » garage  » voue un culte, des gars qui ont joué à  New York au C.B.G.B avec les Ramones et Television (perso, mon côté prise de tête préfère largement les seconds). Des gars dont tu es en droit d’attendre un peu plus qu’une sempiternelle resucée de ce qu’ils ont inventé il y a presque quarante ans.

The Fleshtones2

Pour leur décharge, et à  en croire le morceau It Is As It Was,  » c’est comme c’était  » en français, les Fleshtones ne s’en cachent pas. Ils déballent leur came, la même depuis toujours, comme un camelot sur le marché. Ils enfoncent même le clou(p) ( blague d’initiés) avec le tout ébouriffé Remember The Ramones, qui pourrait se traduire par  » hey les filles… on y était ! « . Moins gracieux que le »I Heard Ramona Sing » de Frank Black mais efficace et tout en one-two-three-four.

Nom d’un pipe en bois de chanvre, je sais pas quoi penser moi !

Oui c’est sympa à  écouter, oui ça dépote et donne envie de trémousser son corps, mais ça reste l’album d’un groupe qui a lâché la rampe de l’inventivité depuis pas mal de temps. Je suis salaud, de mauvais poil et pas d’humeur !

Et puis je ne suis pas en phase avec les vieux rockers qui s’éternisent. Les Stones n’ont plus lieu d’être depuis le milieu de seventies, Smith aurait dû euthanasier The Cure (je t’en parle la semaine prochaine… teasing) au plus tard en 1989 après le bien nommé »Disintegration » les guitares de Sonic Youth ont gémi dix années de trop et U2… j’en parle même pas.Tout le monde n’est pas Johnny Cash, Bowie ou Lou Reed et n’a pas la capacité ni le cran de se réinventer à  chaque coup ou au moins de temps en temps. Pour le meilleur et pour le pire. Le processus est douloureux… commercialement risqué.

Je le répète, je n’ai rien contre les Fleshtones et »Wheel Of Talent ». C’est juste qu’en règle générale et surtout en ce moment, je me méfie de toute forme d’immobilisme, qu’il soit culturel, social, politique ou, mais c’est un pléonasme, religieux.

Mince les cocos… si Jésus avait continué de tourner jusqu’à  quatre-vingts balais, il aurait moins cartonné. C’est évident !

Il y a culte et culte.

Stéphane Monnot