Tu n’as pas tellement changé – Marc Lambron

beau-geste,M136628Philippe Lambron a 25 ans en 1987 lorsqu’il apprend qu’il a été contaminé par le VIH, ce qui, à  cette époque, vaut un arrêt de mort. Il est alors un feu follet élégant et promis à  un bel avenir. Il obtient un poste important dans une banque, cache sa maladie à  ses employeurs, à  ses parents. Son frère Marc, de 4 ans son aîné, est le dépositaire accablé de son secret, l’accompagnant dans cette chronique d’une mort annoncée, avec le sentiment de ne pouvoir être guère plus que le témoin de sa chute. †œSi loin que je puisse entrer dans le mystère de Philippe, je ne saurai jamais ce que son courage n’a pas avoué.†
Auteur déjà  en 95 de quatre romans remarqués, Marc Lambron délaisse la fiction pour écrire dans l’urgence, quelques mois après la disparition de Philippe, ce texte qui le relie encore à  lui et, ,  conservera la trace du disparu. †œPhilippe m’a été présent par la douleur. En la quittant, en étant abandonné d’elle, je le quitterai lui aussi.†

Cette histoire d’une maladie qui a duré 8 ans, évoque avec pudeur et sensibilité ce perpétuel mensonge dans lequel vit l’entourage, cette idée de †œla dernière fois† qui vous effleure à  chaque vacances, cette tristesse qui vous prend en regardant une vieille photo : deux enfants dont vous resterez bientôt le seul. Car, à  travers le portrait de son frère, c’est aussi le sien que nous trace l’auteur.
La mort de l’autre, bien au-delà  de son absence, bouleverse profondément celui qui reste. Parce qu’il est renvoyé à  l’impuissance de n’avoir pas pu le sauver, mais aussi parce qu’il devient alors le seul gardien de la mémoire commune. Les souvenirs ne se partageront plus.

On ne sait si Marc Lambron a pu trouver avec le temps une sorte d’apaisement, mais ce livre de chagrin est très poignant, tout en gardant constamment un style très tenu qui prévient du larmoiement. †œJe reviens aux étés, ils s’ouvrent comme autant de chemins de la mémoire. Au fond du jardin je sais que mon petit frère m’attend.†
Cette histoire intime d’un deuil a quelque chose d’universel.

Brigitte Tissot

Tu n’as pas tellement changé
Marc Lambron
Editions Grasset
140 pages – 15 euros
Parution : janvier 2014

Extrait :

†œLes frontières entre l’intime, le silence et la vérité, je les ai maintes fois franchies et refranchies pendant ces années. Je trace ces lignes pour le dire : il y a de la douleur secrète, là , parmi nous, une douleur qui se tait et hurle de se taire. A quoi servirait-il d’écrire si, quand le destin vous mène là  où on ne voudrait pas aller, l’on ne pouvait suivre son chant brisé, et rendre témoignage à  celui qui ne peut plus parler. Passer au-delà  de la convenance, c’est savoir que derrière les légèretés de la vie, cette femme qui danse, cet homme qui sourit, on trouverait peut-être le courage d’un humain en plein drame, et qui se tait.†