Gruff Rhys – American Interior

Gruff Rhys 2014Même si le fait est encore trop peu connu, même chez les amateurs de musique, sachez que Gruff Rhys est grand, Gruff Rhys est fou et en ces premiers jours de mai, comble de joie, Gruff Rhys est revenu.

Avec American Interior, le gallois chantant redébarque chez nous avec sous le bras un projet de dingo du genre de ceux que l’ex-leader des trop sous-estimés Super Furry Animals affectionne, lui qui avait publié un premier album solo entièrement en sa langue galloise natale (Yr Atal Genhedlaeth, pour les curieux).

Ici, l’énergumène – auteur entre-temps de deux des plus craquants albums de pop british parus ces dernières années (Candylion en 2007 et Hotel Shampoo en 2011) – s’est mis en tête de retracer l’épopée héroîco-absurde d’un certain John Evans parti au XVIIIème siècle écumer le Nouveau Monde sur les traces d’un légendaire et fictif Prince Madoc, héros imaginaire ayant colonisé et introduit la langue galloise sur une partie du continent, (sic).

Une bonne lignée de doux dingues donc, dont notre zozo au bonnet de loup se montre le digne héritier avec ce concept album qui n’est que le versant musical d’un projet multi-facettes parmi lesquels sont à  venir un gros livre, un documentaire ou une application pour iPhones, !

Une boulimie créatrice qui témoigne de l’enthousiasme du débonnaire chanteur et qui n’en resterait qu’au stade de l’anecdote si elle n’était pas servie par le toujours épatant talent du monsieur, orfèvre mélodiste et song writer pop de grande classe, héritier direct de Burt Bacharach ou Ray Davies.

Boostée par la vitalité de ce road trip foufou (notre gallois ayant réellement refait le parcours) l’ami Gruff nous offre, dès l’épique American Interior d’ouverture, un vrai, « poporama » belle plongée au parfum très seventies en territoire américain fantasmé.

 » Your visions carry me«  chante-t-il avec, raison, sur le morceau-titre, caracolant, et nous à  sa suite, d’une trépidante 100 Unread Messages à  une baroque et géniale The Whether (Or Not), s’épanouissant sur une aérienne Liberty (Is Where We’ll Be) aux cordes stylées ou faisant montre de toute sa classe pop sur l’électro lo-fi bip-bipesque de The Swamp, d’esprit très Baxter Dury.

Un art savant du slalom inter-styles et inter-époques qui fait autant se rencontrer Randy Newman et Eels, America que Bootsy Collins. Le tout parcouru en, plus d’un brin de vraie folie quand le maître des lieux et conteur zinzin se plaît à  marier la langue galloise sur des rythmes et choeurs tribaux style Hiawatha le petit indien (l’allumée Allweddellau Allweddol !).

Comme dans tout vrai voyage, on évitera de révéler plus avant les surprises qui vous attendent à  chaque étape de ce réjouissant périple (à  prolonger sur un American Interior EP offrant dans la foulée trois titres inédits) qu’on vous invite sérieusement à  entamer sur les pas, de celui qui se présente à  très juste titre comme The Last Conquistador.

S.’il a déjà  prouvé par le passé toute sa valeur (sur l’ensoleillé et, parfait Hotel Shampoo à  la, fluidité lounge), avec cet American Interior, épopée fêlée au long cours, l’ami gallois prouve bien qu’il est de la race des derniers conquérants de la pop, hurluberlu d’accord mais surtout rigoureux et brillant architecte pop. La liberté est là  où il sera »

Franck Rousselot

Gruff Rhys. American Interior
Turnstile / Caroline Records / Polydor
Paru lundi 5 mai 2014

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