Conor Oberst – Upside Down Mountain

Conor Oberst 2014C.’est toujours un plaisir certain de recevoir des nouvelles de la part de figures amies qu’on avait quelque peu perdues de vue, d’autant plus quand ces nouvelles se révèlent être plutôt bonnes. Quitté sur le dernier album peu convaincant de son groupe Bright Eyes, l’assez creux The People.’s Key, revoici donc sans crier gare Conor Oberst, lunatique songwriter de l’indie folk-rock américain.

S.’il est assez difficile de se retrouver dans sa production de stakhanoviste (hormis Bright Eyes depuis plus de quinze ans, on ne compte plus ses collaborations et side projects en pagaille, : Monsters Of Folk, Desaparecidos ou autres Mystic Valley Band), l’énergumène nous facilite cette fois-ci la tâche en signant de son seul nom sa nouvelle livraison de chansons. On a beau se rendre compte que ce nouveau disque se révèle être son sixième album solo, Upside Down Mountain pourrait pourtant sonner comme un album inaugural, de par la tonalité intimiste et classique de ces treize nouveaux titres.

Comme puisant dans l’inspiration de ses jeunes années, le musicien d’Omaha épaulé du renfort de l’hyperactif Jonathan Wilson comme co-producteur affiche de fait une meilleure santé artistique basée sur une certaine simplicité d’écriture. Un song writing plus personnel établissant autant une forme d’auto-bilan, amoureux ou existentiel (Zigzagging Toward The Light) que renouant avec le classicisme le plus pur de la chanson folk américaine.

Une approche directe qui peut le faire sonner, selon l’occasion, autant comme un petit-fils de Dylan (Time Forgot) que comme petit-cousin de Paul Simon (l’ondoyant et dansant Hundreds Of Ways) ou emprunter les chemins, immémoriaux d’une country éternelle (Night At Lake Unknown).

Autant dire qu’il ne faut chercher aucune trace d’innovation sur ce disque au son délibérément comme dégagé du temps. Juste se laisser porter par la voix de conteur au vibrato aigu de notre guide temporaire et le suivre le long de sa bal(l)ade de musicien itinérant, autant exalté par le chemin effectué qu’en proie à  un tenace vague à  l’âme.

Et avouer que, pour très attendu que soit le paysage, l’ami Conor, sans renouer avec l’excellence des meilleurs moments de Bright Eyes (période Digital Ash In A Digital Urn) s’y révèle souvent attachant, parfois grimé en cowboy sans âge à  la Hank Williams (Lonely At The Top ou You Are Your Mother’s Child).

Mis à  part quelques dispensables titres poussant le son et les guitares dans d’inutiles décibels dits »rock » (les Governor’s Ball et Desert Island Questionnaire dont on se serait passé), on oserait dire qu’au bout de ce, parcours,, même s’il s’avère, inégal, il est deux noms et figures qui viennent naturellement : le classieux Cass McCombs pour l’aspect libre de hobo moderne héritier d’une certaine contre-culture que les deux solitaires se partagent.

Et même, au détour de quelques complaintes au spleen bleu, la silhouette cabossée et fraternelle d’un certain Elliott Smith. Pour vous en convaincre, posezdonc votre oreille sur la mélancolique et apaisée Common Knowledge finale. Et surtout la fragile et émouvante Artifact #1, étude de la dépendance amoureuse aux paroles douces et tranchantes : »So when I set myself to wonder / On all the questions that remain / The only one that even matters / Is when I’ll see your face again ». Deux des plus belles chansons entendues ces derniers mois…

Pour de tels moments précieux en réelle apesanteur, tout imparfait ou inconstant que puisse être ce nouveau disque, on ne peut que remercier l’oiseau Conor Oberst d’être revenu se poser sous notre fenêtre pour distiller ces chants si attachants. Car humains, juste humains. Bienvenue de nouveau, Conor.

Franck Rousselot

Conor Oberst. Upside Down Mountain
Nonesuch Records
Paru le 19 mai 2014

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