[Monnot-mania] Chevalrex – Catapulte

Chevalrex_CatapulteQuand t.’as pas de moyens, faut avoir des idées, de la gueule et accessoirement du talent ! Chevalrex pourrait se résumer à  ça. Beaucoup de bricolage, une belle écriture, des constructions en strates façon jardins suspendus de Babylone et au final une pop sombre, émouvante, gentiment grandiloquente. La classe !

Chevalrex – roi-cheval belliqueux ou dandy dyslexique un peu balourd et looser »les deux suivant les cas – est le projet perso de Rémy Chante (c’est un pseudo), pour info frère de Gontard! (c’est un pseudo aussi), membre tout comme lui, Aquaserge et quelques autres de la chouette et à  suivre Mostla Tapes’ Team de Planète Claire – La Souterraine et Almost Music. J.’ai pas encore bien compris l’assemblage moléculaire de cette structure mais ce sont de sacrés limiers.

La meilleure façon de te parler de »Catapulte » est d’avoir une fois de plus recours à  la parabole cinématographique : t.’as vu »Les Dents De La Mer ? » Visualise la scène centrale dans le bateau, de nuit, calme plat, où les trois gars picolent du rhum ou un autre truc très fort et où ils font les idiots à  se comparer les cicatrices. Le vieux briscard plombe l’ambiance en racontant que son porte-avion s’est fait torpiller par les japonais pendant la guerre du Pacifique et que lui et ses collègues sont restés deux jours à  mariner, attendre les secours et se faire manger les uns après les autres par les requins qui rappliquaient de manière exponentielle au fur et à  mesure que les types se faisaient déchiqueter et que le sang se répandait sous les pieds de ceux qui les avaient encore »beurk ! Cette scène, toute bête et pas chère, drôle puis glauque, est un chef d’oeuvre de montée de stress et d’écriture minimaliste, elle installe le lien humain et relance le film, est le calme avant la tempête et se termine d’ailleurs par les coups de boutoir du squale géant sur la coque du chalutier. Les gars, dans les années soixante-dix, n’avaient pas encore les tonnes d’effets spéciaux qu’Hollywood et consorts possèdent aujourd’hui pour produire leurs navets, alors ils devaient se triturer les méninges pour tenir le spectateur en haleine avec les moyens du bord.

De la matière grise, de l’émotion, de l’huile de coude, une petit côté cheap et rétro « Catapulte ».

Quand tu as appris à  travailler comme ça, quoi qu’il arrive, tu es sauvé et conserveras forcément tes bonnes vieilles habitudes de Géo Trouvetou, tu prends le bon là  où il est pour le remettre là  où tu juges qu’il sera meilleur.
Chevalrex envoie une pop, parfois chantée, parfois instru, revisitée, allumée et bruitée qui va t.’emmener de Daho à  Bourvil en passant par Daniel Darc pour la petite voix fragile et sa tessiture presque adolescente. Les textes sont ciselés et parlent d’amours tristes, d’un projet de mariage tahitien et de plein d’autres trucs suffisamment bien sentis pour que ça cause de toi ou moi.

Les trompettes de gitans bourrés tout droit sorties de l’Underground de Kusturica te tirent vers l’Europe de l’Est mais tu peux pousser jusqu’au Mexique tant qu’t’y es. Y.’a du banjo, de la guitare et beaucoup de petits instruments rigolos »Tu flirtes par moment avec Bregovic, Beirut, et vas-y, jette-toi, Ennio Morricone et son Bad Orchestra. Du bricolage revendiqué mais soigné et aérien. Catapulte a été composé, écrit, enregistré en un mois à  peine et à  domicile, sans sample, ni musicien additionnel. Tout seul !
Rémy aka Chevalrex est également à  la tête de son propre label – Objet Disque – graphiste en charge de ses visuels et de ceux des copains – Brest Brest Brest – c’est un touche à  tout, sûrement hyperactif et génial qui mérite bien évidemment tous les égards et ton admiration.

Stéphane Monnot