Métamorphoses – Christophe Honoré

Programmé comme un bain de jouvence en pleine rentrée de cinéma français morose (un Jacquot misérable, une Party Girl convenue), Métamorphoses de Christophe Honoré, librement adapté d’Ovide, n’enchante qu’à  de bien rares moments.

metamorphoses - affiche du film Il faut la volupté harmonique de Ravel et de Schoenberg, comme des nappes musicales sensuelles, ou quelques élans visuels hallucinés pour que le film décolle. En l’état, voilà  le projet : réadapter la mythologie chez nos contemporains, entre une cité de banlieue et des falaises, entre un supermarché et des bois légendaires. Cet hédonisme moderne que le film donne à  voir, en créant un conflit entre mythologie et sociologie, entre féérie et urbanisme, Honoré ne sait pas quoi en faire. La dialectique visuelle tient plus du hiatus hasardeux que d’une pensée de mise en scène, il faut voir pour s’en convaincre avec quelle platitude les métamorphoses physiques et les glissements de décors se déroulent. L’imagerie du plaisir se cantonne à  des cours d’eaux et à  des pleins soleils investis par de jeunes non-professionnels dont la voix divine (mention spéciale au jeune Jupiter) résonne plus comme celles d’amateurs de stand-up que d’un aboutissement réel du jeu par la direction, la diction, la gestuelle, aussi décalée soit-elle. La liberté fondatrice, l’insolence candide et la dimension charnelle du projet auraient certainement du passer par le corps amateur dont s’éprend le cinéaste.

Au lieu de ça, sa proposition se limite à  laisser en roue libre de jeunes comédiens dont la nudité reste le plus convaincant investissement. Les mythes que filme Honoré sont des créatures désinvoltes et désincarnées, prises au piège de leur propre invraisemblance dans des séquences redoutablement lourdes (le conflit dans la cité, la parenthèse de Tiresia) qui font passer ces Métamorphoses pour une impro off Avignon, à  la recherche d’une bizarrerie de pacotille. Autour d’un texte aussi libertaire et sacré, l’adaptation nécessite un regard et, hormis la fascination amoureuse pour les corps impudiques en tous genres, Honoré n’en a guère. Les comédiens, quand ils ne récitent pas de magnifiques tirades comme des recettes de cuisine, se retrouvent les victimes d’un exhibitionnisme sans raison valable ; on ne sait plus trop quand le film quitte la sphère de la fantaisie universelle pour celle, souvent limite, du trip pédo-gore (petite fille qu’on reluque, adolescentes en fleurs, tête coupée). Métamorphoses a pour lui d’être un film plutôt réjouissant dans sa manière de ne pas céder à  la prudence, et on peut voir une certaine excitation juvénile à  filmer les joies du vice et de la vertu. Malheureusement le film ne sait pas où se situer : relecture branchée, film de troupe, parabole anthropologique, objet pop… On finit par s’en remettre au séduisant bestiaire et, encore une fois, aux suaves mélodies de Ravel qui à  elles seules teintent le film de toute cette dimension mythologique derrière laquelle Honoré court, en vain.

Jean-Baptiste Doulcet

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Métamorphoses
Comédie dramatique française de Christophe Honoré
Sortie : 3 septembre 2014
Durée : 01h42