Nue – Jean-Philippe Toussaint

nue-jean-philippe-toussaintAvec ce texte Jean Philippe Toussaint boucle la tétralogie de Marie qu’il avait inaugurée avec  » Faire l’amour  » où le héros anonyme se séparait, à  Tokyo, de la jeune femme, ou c’est plutôt elle qui se séparait de lui. Dans  » Nue  » le narrateur raconte, avec toute l’élégance et la finesse de l’auteur, qu’il a retrouvé Marie et comment il voudrait la reconquérir tout en douceur, très progressivement, bribe par bribe, morceau par morceau, objet par objet, pour se réinstaller dans sa vie. Il se souvient aussi comment, de manière fortuite, il avait assisté quelques années au préalable, sans s’en douter, à  la rencontre de Marie et de son nouvel amour. C.’est seulement au moment de reconquérir Marie qu’il comprend comment il l’a perdue.

Comme tout livre de Toussaint, du moins ceux que je connais, ce texte est un bijou de littérature, une caresse verbale écrite pour attendrir Marie et la convaincre de partager à  nouveau la vie du narrateur que nous ne connaîtrons jamais, être impersonnel, transparent, sans relief ni caractère, vivant d’on ne sait quoi, seulement un amoureux subjugué. Mais, avec sa plume de velours, l’auteur sait aussi égratigner ce monde factice et puéril qui gravite autour de Marie, ce monde qui ne sait pas aimer cette fille et l’apprécier à  sa juste valeur, ce monde qui a perdu le sens des valeurs réelles et de l’amour pur pour se complaire dans les apparences.

Jean Philippe Toussaint a la capacité de transformer l’écrit abstrait en images tangibles, vivantes, à  entraîner le lecteur au coeur de son récit, dans des lieux qu’il décrit avec minutie ; on peut suivre ses personnages pas à  pas dans l’univers de son héros de Paris à  Tokyo en passant par l’Ile d’Elbe, et dans son récit qui avance au rythme de ces descriptions minutieuses, précises et très détaillées. On peut ainsi suivre l’amoureux transi et sa belle comme on suit les personnages de Modiano dans les rues de Paris. Toussaint le confesse lui-même son monde est visuel :  » Je l’ai su par l’image de façon subliminale, comme si l’invisible était entré dans ma vision, et l’éternité dans le temps. Je me rendis compte alors que tout ce que je vivais d’important dans ma vie était toujours transformé en images dans mon esprit ». « 

Denis Billamboz

Nue
Roman de Jean-Philippe Toussaint
Editeur : Les Editions de Minuit
170 pages – 14,50€¬
Parution : 5 septembre 2013