Happy Valley – saison 1

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Encore une série policière anglaise, me direz-vous ? Peu importe, c’est ici Ken Loach qui est convoqué dans ce drame social et policier poignant, parfait.

Le Royaume-Uni, depuis quelques années, s’installe très confortablement dans le monde des séries TV internationales de grande qualité, et n’a plus rien à envier à son concurrent américain, tout en se dégageant bien loin des productions européennes actuelles par son ambition et sa réussite. Et plus particulièrement au rayon des séries policières, le pays a montré sa capacité à renouveler un genre ultra-codé de brillante manière (Luther, The fall ou Broadchurch récemment). Et Happy Valley désormais, qui ne modifie guère le paysage de ce genre particulier, mais assoit par contre complètement son empreinte.

Mais ne nous leurrons pas. Derrière sa façade d’enquête d’investigation (une affaire glauque, encore une…) dans une bourgade paumée de l’Angleterre prolétaire du Nord devenue plaque tournante du trafic rural de drogue, la réalisatrice Sally Wainwright n’hésite rapidement plus à l’ancrer dans une fresque sociale prenante, bouleversante. A l’image de son héroïne au caractère trempé, bloc de glace et de tendresse à la fois, la série avance résolument dans une trame narrative et thématique où la préoccupation majeure reste l’humain, ses contradictions et ses choix.

La première scène inaugurale résume finalement toute la série : devant un petit délinquant qui menace de s’immoler dans un jardin public car il veut en finir, Catherine Cawood, à bout de souffle, lui balance en deux minutes toute sa vie de policière en mode survie, divorcée, endeuillée de sa fille et n’arrivant pas à s’occuper de son petit-fils que le père n’a jamais reconnu. Et conclut en disant qu’elle est là, malgré tout, qu’elle continue de se battre et qu’il devrait faire pareil. Le tout avec un accent anglais nordiste à couper au couteau. La scène impressionne, déconcerte de tant de vérité crachée à la gueule. Et le reste sera du même acabit, morceaux de bravoure excellemment interprétés (comme toujours) oscillant avec un polar sombre et stressant.

Plus qu’une énième série d’enquête, c’est carrément du Ken Loach qui se déroule sous nos yeux, référence évidente, lourde mais jamais envahissante, et qui donne à Happy Valley sa force, et une réelle émotion qui s’en dégage. Jusqu’au drame final, associé à une résolution d’enquête compliquée, ce sont six épisodes forts, qui prennent le temps de bien interroger tous les personnages, les confronter et les faire exploser, et donc une série courte, efficace, émouvante. Difficile de s’en lasser.

4

Jean-françois Lahorgue

Happy Valley
Série anglaisé créée par Sally Wainwright
avec Sarah Lanchashire, James Norton…
Saison 1 – 6 épisodes
Diffusée sur BBC One et Canal + en septembre 2015