Murderabilia – Álvaro Ortiz

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Des chats ayant dévoré leur propriétaire sont revendus à un collectionneur d’objets morbides, pour la plupart ayant appartenu à des tueurs en série. Une plongée étouffante dans l’Amérique profonde, étayée par un graphisme original et un scénario béton.

murderabilia-couvEn attaquant cette BD au graphisme à la fois minimaliste et sophistiqué, impossible de s’attendre à un scénario aussi élaboré, aussi captivant. En effet, lorsqu’on feuillette les pages avant lecture, la mise en page, certes originale, donne à penser qu’on a davantage affaire à une production expérimentale. Et pourtant, si les cases, la plupart du temps de la taille d’un timbre poste, peuvent laisser dubitatif, le procédé finit par fasciner. De sa ligne claire concise et stylisée, Álvaro Ortiz parvient avec un minimum d’effets à exprimer parfaitement ce qu’il veut dire et montrer. Entre le brun et le rose, les couleurs désaturées contribuent à renforcer l’atmosphère malsaine avec une certaine élégance. Du grand art.

Quant au scénario, il consiste en une sorte de mise en abyme puisque le narrateur est lui-même un jeune écrivain en quête d’une bonne histoire, et c’est la sienne qu’il raconte ici, une histoire qui changera sa vie à jamais. C’est en acceptant de vendre les chats qui ont dévoré son oncle à un collectionneur d’objets morbides, dont la plupart ont appartenu à des tueurs en série, qu’il va provoquer le destin. Alors qu’il se rend dans le village où habite le collectionneur, en plein cœur de l’Amérique redneck (on ne sait pas où exactement, l’auteur ayant pris le parti de rayer les noms de lieux), il va se retrouver très vite impliqué dans une ignoble affaire de meurtre. L’atmosphère inquiétante de cette ville quasi fantôme au passé industriel contribue un peu plus à happer le lecteur, déjà captivé par un récit qui monte progressivement en puissance jusqu’à un climax pour le moins inattendu. L’auteur reprend avec subtilité le thème de l’étranger – cet autre si étrange -, désigné à la vindicte populaire à cause de sa différence, en l’occurrence ici le collectionneur.

Hollywood ayant souvent exploité cette Amérique en déshérence dans le registre du thriller horrifique (Massacre à la tronçonneuse, Délivrance…), c’est peu dire qu’on imaginerait parfaitement cette histoire adaptée au cinéma. On ne peut que féliciter les Editions Rackham d’avoir découvert ce jeune et prometteur auteur espagnol, qui signe ici son deuxième album après Cendres.

Laurent Proudhon

Murderabilia
Scénario & dessin : Álvaro Ortiz
Editeur : Rackham
120 pages – 21 €
Parution : 15 mai 2015

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Murderabilia – Álvaro Ortiz