Chroniques express 126

alain Gibert @Marion-Dubier Clark

126ème édition des chroniques express avec par ordre d’apparition, Alain Gibert, Goël, Motherfucker, Other Houses, John M., Sire, The K., Somehow, Alex Gavaghan Get The Blessing et Les Agamemnonz.

Alain Gibert - Sublime ordinaireAlain Gibert – Sublime ordinaire

Alain Gibert aime les oxymores et on peut se demander si son album, le premier, sera plutôt « sublime », plutôt « ordinaire ». Avec son physique sage, plus proche du VRP que de la rock star, le français apparait comme un petit gars simple, faisant dans la chanson française. On serait donc tenté de pencher, hâtivement, du côté de l’ordinaire. Mais fort d’orchestration chatoyante (due à Christophe Boissière) et bénéficiant de l’appui  de musiciens talentueux (notamment le quatuor à cordes de Jean-François Assy), Gibert s’élève facilement au-dessus du tout venant. De jolis écrins pour des chansons sensibles, aux compositions qui ne sont jamais bateaux…Alain Gibert s’inscrit dans la même filiation qu’Alex Beaupain, Dalcan ou Emmanuel Tugny, trouvant plus sa source dans la pop anglaise, le folk américain  voire la bossa nova que chez nos chansonniers. Si toute la chanson française était comme ça, aussi musicale, je lui succomberai plus souvent. (3.5) Denis Zorgniotti
Martingale – L’autre Distribution / Novembre 2015

Goël - EPGoël – EP

Goël apparait comme une évidence : une voix immédiatement séduisante, une folk bucolique chantée en français et doucement familière, des mélodies ambivalentes qui réchauffent le coeur. Derrière la clarté du propos, le Français, ancien chanteur du groupe nantais Zo, a surtout la bonne idée de donner une couleur acoustique à ses mélodies. Plus encore, les arrangements sont autant audacieux qu’ élégants : une petite musique de jour éclairée par un quatuor à cordes et un vibraphone donnant une jolie touche ondulante à la rythmique. Bouffée d’air pur, troués de lumière estivale au milieu des feuilles, la musique de Goël est autant un plaisir pour les sens que pour l’esprit,  évoquant même le visionnaire d’Owen Pallett. Le tout dans une fausse simplicité musicale de chanson-folk. (4.0) Denis Zorgniotti
Autoproduit / Octobre 2015 Bandcamp

Motherfucker confettiMotherfucker – Confetti

Vous n’êtes pas contre un album qui dépote ? Le nom pouvait le laisser présager, Motherfucker est un p… de groupe de rock’n roll, un peu hardcore, un peu noise, toujours punk, du genre qui envoie grave dans un album qu’on jurerait produit par Steve Albini à la grande époque – celle du rock US des années 90. Cela tombe bien Motherfucker vient d’Athens Georgie. Cela tombe mieux, c’est un trio 100% féminin, guitare-basse-batterie sans fioritures, souvent speed, lourd sans jamais être lourdingue et toujours offensifs. Entre L7 et Throwing Muses, caractère féminin oblige, Motherfucker marque des points et sort un album violemment addictif. (3.5) Denis Zorgniotti
Sick room record / novembre 2015
Bandcamp

Other housesOther Houses – Bad Reputation

Signé sur le souvent expérimental label Aagoo records, Bad réputation étonne justement par son caractère mainstream. Projet solo de Morgan Enos, chanteur de Hollow Sunshine, Other Houses rappelle tout de go The Byrds ou The La’s. Dans les moments plus sombres, Mark Kozelek (Atascadero Ascend). N’abandonnant jamais sa guitare acoustique au son métallique, l’Américain aime bien pousser la chansonnette pop/folk avec naturel et envie. Pourtant, derrière cette façade accueillante, le jeune homme n’est pas contre torturer cette énergie primesautière. Car derrière les mélodies, les machines infernales grondent. Ce sera là une pédale flanger qui vient envahir l’espace (Yellow and starhips), un enregistreur prêt à ralentir le tempo (Computer of life) ou à déformer un peu l’horizon (Anubis Supporter, meilleur titre de l’album). Comme un glissement vers une incertitude psychédélique. C’est dans ces moments-là que Other Houses devient le plus intéressant, quand il fait entrer un petit démon électronique dans son intimité chaleureuse. (3.0) Denis Zorgniotti
Aagoo Records / Novembre 2015 Bandcamp

John M. - Born to meet youJohn M. – Born to meet you

John Morillion a beau avoir raccourci son nom en John M., il n’en a pas diminué pour autant son talent ; celui qu’ avait révélé  son premier album Love it all. Américain à Paris, il n’en a pas oublié non plus les apports successifs qu’ont apporté R.E.M, Elliott Smith ou Beck à la folk-rock indé. Mélodiquement irréprochable avec une armée de tubes potentiels, John M. garde toujours en mémoire la volonté de rester alerte, fédérateur, avec un esprit pop fièrement affiché. Ce qui n’empêche pas la finesse, le songwriting, les moments plus intériorisés et même de sortir un (bon) titre en français.  (4.0) Denis Zorgniotti
Autoprod / décem
bre 2015 Soundcloud

Sire-NovemberSire – November

Cet album est intéressant à plus d’un titre. D’abord car Jiben Sire a une carrière longue comme le bras, l’ayant vu participé à des projets liés à la musique, au théâtre, au cinéma et même à la radio. Un artiste pluridisciplinaire victime d’une maladie orpheline hautement handicapante depuis 6 ans. Cela aurait pu donner un triste Sire mais dans un rebond artistique, il a su adapter sa création avec ce nouveau paradigme. Ou comment faire d’une faiblesse une force. November est donc un album « acoustique » entièrement réalisé avec une matière virtuelle. Au-delà de l’exploit du « incroyable, on s’y croirait », le disque vaut tout simplement pour ses qualités musicales. Songwriter et chanteur délicat, Sire évoque pour notre plus grand bonheur David Bowie, Bryan Ferry, Jarvis Cocker ou son ancien copain de Pulp, Richard Hawley. Album maniériste et raffinée (avec guitare, piano, cordes), November évoque grandement, en dépit de sa technologie transparente, la musicalité pop des années 70. Une réussite. (4.0) Denis Zorgniotti
Chapel Publishing / Décembre 2015

The KThe K. – Burning pattern etiquette

Voilà bel et bien le genre de disque idéal pour réveiller ses voisins ! les Belges de The K. n’en sont pas à leur première déflagration rock aimant tater de la noise et du grunge.  Burning pattern etiquette ne faillit pas à la règle (intrusive behaviour, priggish). Mais The K. n’a pas peur de torturer un peu sa musique, meurtrir cette énergie directe et cet esprit droit devant. Ils en appellent à la noirceur tortueuse de Nine Inch Nails, de Filter ou de Jesus Lizard dans des titres fortement chargés en intensité. Il y a aussi un côté Pixies ou Weezer mais plongé dans un bain de métal en fusion. Le groupe excelle à créer des climats lourds et délétères qui conduisent l’auditeur au bord de l’abime (prude, delusive meaning). Tout en gardant un format court et concentré sur 3′. L’impact en est d’autant plus fort et ce Burning Pattern etiquette propulse the K. comme une référence du genre. (3.5) Denis Zorgniotti
JauneOrange / Africantape – Octobre 2015

somehowSomehow – The Desert of wasted time

Certains – peu nombreux – le connaissaient sous son vrai nom : Erwan Pépiot. Tout jeune, il avait sorti en autoproduit un premier album porteur de plein de promesses. Rebaptisé en Somehow, le revoici, toujours multi-instrumentiste, toujours branché par un axe Cure-The Smiths et travaillant toujours avec les moyens du bord – les siens – un petit 8 pistes dont la modestie est paliée par un vrai sens musical. Il faut dire que le Français ne se contente pas de reprendre la basse de Simon Gallup, les synthés de Matthew Hartley (éphémère claviériste de Cure) ou la guitare de Marr – ce qui donne des compositions alertes. Mais il ajoute à cette bonne base, violoncelle, melodica et une guitare acoustique qu’on jurerait être une mandoline. Ajoutez à cela des choeurs féminins – bienvenues – et un sens inné de la mélodie et vous obtenez un album qui se hisse aisément au-dessus du statut de bon élève fana du « à la manière de… ». Somehow se place en artiste à suivre, c’était déjà le cas en 2006, ça l’est encore plus aujourd’hui. (4.0) Denis Zorgniotti
Autoproduction – Décembre 2015
Bandcamp

alex-cavaghanAlex Gavaghan – Binman Of Love

Guitariste au sein du groupe Cubical, Alex Gavaghan se produit pour la première fois en solo sur un disque à la production gentiment lo-fi, rempli de chansons qui nous ramènent directement aux débuts du Rock, de Elvis à Eddie Cochrane en passant les Beatles. Du rock bebopalula qui sent bon la fin des années 50 et le début des 60’s des deux côtés de le l’Atlantique. Au total, une trentaine de minutes pour 12 compostions qui alternent le chaud et le froid, avec par moment une petite touche anti-folk, dans un album au charme rétro évident, le tout composé par un petit gars de Liverpool plein de talent et doté d’un sens de la mélodie déjà bien affirmé. Une jolie découverte à mettre au crédit du label Freaksville Records. (4.0) Benoit Richard
Freaksville – 2015 Bandcamp

Get The Blessing - AstronautilusGet The Blessing – Astronautilus

Composé de la section rythmique de Portishead, soit le saxophoniste Jake Mucmurpchie, le trompettiste Pete Judge, le batteur Clive Deamer et le bassiste Jim Barr, Get The Blessing propose en cette fin d’année 2015, un cinquième album pour le compte du label Naim Records. Dédié au saxophoniste précurseur du free jazz Ornette Coleman, disparu en juin dernier à New York, Astronautilus présente un jazz mouvant, nourri de diverses influences, alternant titres groovy et plages plus atmosphériques. Un style que rappelle par moment celui de Miles Davis ou encore celui du suisse Erik Truffaz . Se distinguant par une grosse section rythmique et dégageant en permanence un coté expérimental, Astronautilus est un des belles réussites de l’année en matière pour un groupe qui se définit plus que jamais comme le versant punk du jazz moderne. (4.0) Benoit Richard
Label Naim – novembre 2015 bandcamp

LES AGAMEMNONZ De A à ZLes Agamemnonz – De A à Z

Grâce à Tarantino et à son gout immodéré pour les pépites soul, funk et pop des années 60, on a admis que la surf music, genre aussi daté soit-il, ne se résumait pas forcément qu’aux musiques de bals, aux hits des Shadows et à quelques rengaines un peu niaises des années yéyé. Plus d’un demi-siècle après que le genre ait connu son heure de gloire, un groupe rouennais perpétue la tradition et nous sort un très joli disque en hommage au genre surf music. Un album tout bonnement génial que l’on jurerait enregistré à l’aube des années 60. Il faut dire qu’il ne manque rien à cette production pleine de charme : la reverb, la bass, la batterie, les arrangements, les arpèges de guitares… tout est en place pour faire de cet production un pur moment de plaisir rétro, à vous mettre des images de films en noir et blanc plein la tête. Une vraie petite gourmandise dont il ne faut pas se priver. (4.0) Benoit Richard
Green Cookie Records / Kithybong – décembre 2015 bandcamp