5+5 = Boyarin

Anne Laplantine, Sarah Neufeld, mais aussi Miles Davis et Manset… Boyarin évoque les disques qui comptent et qui ont compté pour lui.

boyarin

Dans un genre assez atypique, presque atemporel, Bastien Boyarin, multi-instrumentiste marseillais, déploie sur son premier album une certaine inventivité pour faire vivre des musiques composées et jouées avec guitare et ordinateur, orchestrées avec goût et finesse… un peu comme si Neil Hannon et Plaid avaient formé un super groupe dont les morceaux auraient été arrangées par Ennio Morricone et joués sous la direction de Danny Elfman.

mai 2016

5 disques du moment :

Colleen – Captain of None, 2015
Je l’ai surtout écouté en 2016, depuis peu. C’est, encore, un disque magnifique de Colleen. La musique d’un monde parfait.

Kristin McClement, The Wild Grips (2015)
Je crois que c’est le disque de 2015 que j’ai le plus écouté, de loin. En même temps, je n’en ai pas écouté beaucoup d’autres. La construction des morceaux et les arrangements sont d’une grâce folle. La fin de « Giant no Good » et ses motifs de cordes me paraissent inépuisables. La voix de Kristin McClement est évidemment magnifique.

Anne Laplantine – Selected Internet Cassette (2013)
Ce n’est pas vraiment une nouveauté ni une découverte, Mais c’est une façon de citer cette œuvre de la manière la plus visible possible. C’est une très belle compilation de travaux divers d’Anne Laplantine disponibles ici et là, et notamment sur son site. Non seulement la musique d’Anne Laplantine est l’une des plus bouleversantes que je connaisse, mais elle a été rien moins que décisive pour ma petite approche de la musique. Tout paraît facilement dérisoire, poseur, factice à côté.

Sarah Neufeld, The Ridge, 2016
C’est sublime.

Sarah Maison, « Western Arabisant », 2016
Sarah Maison est peut-être une amie, cela ne l’empêche pas d’avoir un talent peu croyable. Si vous aimez le « Western arabisant », écoutez aussi « Enchantée », qui clôt l’album You’re Mine again de Nick Grey (où j’ai eu l’honneur d’intervenir un peu par ailleurs) : https://soundcloud.com/sarah-maison/sarah-maison-western-arabisant

5 disques pour toujours :

Albert Ayler, Live at The Greenwich Village : The Complete Impulse Recordings, 1998 [1956-1967]
Il se passe quelque chose de surnaturellement beau dans la musique d’Albert Ayler qu’il est vain de retranscrire. Sans vouloir faire de la sensiblerie, le Live at Greenwich Village, notamment, est un disque qui me fait régulièrement éclater en sanglots. Tout peut sembler terriblement engoncé, fabriqué, superficiel et bref, non musical, à l’aune d’Albert. Je n’aime pas la notion d’authenticité, malgré tout il y a ce sentiment qu’Albert touche à la musique qui est au fin fond de toute musique. Dans une approche un peu différente, je mettrais à une même hauteur le Mu de Don Cherry.

Alfred Deller, Hail! Bright Cecilia, 1692
« Hark! Each Tree » est tirée de Hail! Bright Cecilia , l’une des odes que Purcell a consacré à sainte Cécile, comme chacun sait la sainte patronne des musiciens. Le choix de cet air est arbitraire, j’aurais pu choisir beaucoup, mais vraiment beaucoup de choses de Purcell. Celle-ci n’est pas un trésor des plus confidentiels, mais l’une des musiques qui m’ont le plus tôt marquées et retournées. Il s’agit d’une partie du catalogue de Purcell qui me touche particulièrement : c’est une musique qui a pour fonction expresse de célébrer la musique, et cette tautologie est d’une joie inépuisable.
De mon point de vue, Purcell est le plus grand des mélodistes, ce qui est un avis péremptoire mais qui pourrait être argumenté. Bach est le musicien absolu, mais les mélodies chantées de Purcell sont plus bouleversantes que n’importe quoi d’autres. Sa musique profane, de théâtre, de divertissement ou de célébration, porte une joie et une émotion déchirante. J’ai l’impression que cette musique rend meilleur, plus apte à l’émerveillement, à la naïveté, à la générosité. Et justement car c’est une musique d’occasion, non pas des objets absolus taillés dans un marbre d’art impénétrable, mais une musique destinée à accompagner la vie, les histoires, les moments vécus.

Miles Davis – Sketches of Spain, 1960
Le disque dont je ne me lasserai jamais. Chacun son idée de la perfection je pense, la mienne ressemble très fort à ce disque. Chaque seconde, chaque mesure, y est merveilleuse. Du coup, je n’ai pas grand-chose à ajouter. Pas très loin dans le genre, évidemment, les disques de la même époque de Gil Evans, notamment Out of The Cool ou The Individualism of Gil Evans, ou bien le frère hypomane de ce disque, sans doute aussi génial : The Black Saint and the Sinner Lady de Mingus.

Gérard Manset – La Mort d’Orion, 1970
L’album emblème de Manset, mais j’aurais pu en choisir d’autres : le tout premier, Long Long Chemin (ces deux derniers étant toutefois connu par des rips plus ou moins réussis depuis les vinyles jamais réédités), 2870, Royaume de Siam, beaucoup d’autres. Mes parents se sont un peu inquiétés lorsque j’ai demandé, pour mes 15 ans, un coffret CD Manset. Depuis, c’est une obsession et une fascination qui ne se démentent pas. Aussi bien dans la musique que les textes, ce premier Manset personnifie une attaque en règle contre l’éthique de la juste mesure, de la sobriété et de la retenue.
Pas très loin de Manset il y a aussi pour moi les disques Catherine Ribeiro + Alpes, notamment Paix, un monument assez incomparable.

Pink Floyd – The Piper at the Gates of Dawn, 1967
Le choix de seulement cinq disques éternels est particulièrement cruel. Je termine tout de même par The Piper pour deux raisons : d’abord, la ligne du premier vrai groupe auquel j’ai participé, à 15 ans, était d’être fan de Pink Floyd et très notamment de ce disque (en plus de Sonic Youth et The Residents tout de même, nous n’étions pas que de poupins néo-psychédéliques à chemises bariolées). Ensuite, j’ai lu que l’on discernait Pet Sounds comme matrice de l’album de Boyarin (matrice très haute comme le facteur de cathédrales en allumettes regarde la version grandeur nature). Ce n’est pas du tout inopportun, mais en réalité, le disque qui a souvent le plus souvent servi de guide, c’est bien The Piper. Ça ne s’entend sans doute pas du tout distinctement, et cette information est tout à fait anecdotique pour l’humanité, mais ce disque reste pour moi une grandiose leçon de liberté et de rêverie.

Ennio Morricone
A peu près tout.

Sparks – Kimono My House
J’aurais pu citer, suivant le jour, un autre Sparks, ou un Roxy Music, voire un Brian Eno, ou pas mal de Bowie, quelques Lou Reed. Mais ce sera celui-là, car il commence avec This Town ain’t big engough for both of us et finit par Equator, ce qui constitue deux raisons suffisantes.

Boyarin – Boyarin LP
Avril 2016

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