Luke Howard – Forgotten Postcards

Avec « Forgotten Postcards », l’australien Luke Howard nous offre des mélodies pures et frêles qui raviront les amants des œuvres de Nils Frahm, Eluvium ou Max Richter.

Luke Howard photo 2016

Décidément, vous ne comprendrez jamais rien à ce monde de la musique. Combien de disques surestimés qui font l’actualité quelques jours durant éclipsant malheureusement de véritables merveilles ? Pourtant, plus que jamais, notre monde à l’avenir incertain et anxiogène a besoin de véritables merveilles.
Nous ne tomberons pas ici dans le piège de la mesquinerie qui consiste à évoquer les grandes escroqueries du Rock indé de ces dernières années, les starlettes éphémères ou les talents gonflés à l’hélium ou à l’égo ou encore les produits de pur marketing.

Luke Howard – Forgotten Postcards cover albumEt si pour une fois, nous parlions seulement de la beauté. Pas de celle qui se maquille même discrètement mais de celle qui n’a besoin de rien, qui se suffit à elle-même. La musique de l’australien Luke Howard tant en solo comme ici sur ce min album Forgotten Postcards ou un peu plus tôt dans l’année Two Places mais aussi avec son trio vous capte immédiatement dans ses filets par l’émerveillement qu’elle provoque à vos oreilles.
Pourtant, sans aucun doute, jamais ce nom ne vous a été évoqué où que ce soit. C’est d’autant rageant que l’on entre tellement facilement dans la musique de l’australien, en ami, en compagnon.
Forgotten Postcards est un antidote à la canicule. Si vous aimez la mélancolie de Johann Johannsson, les effluves d’Eluvium ou le minimalisme de Nils Frahm, ce disque de Luke Howard est pour vous. Conseillé à tous les allergiques des rayons solaires.

Prenez l’aérien et exquis Homeless, réponse élégante au Written in the sky de Max Richter. Cela sonne comme une invitation à traverser les nuits d’été, une berceuse à contempler les étoiles filantes strier le ciel. C’est beau comme les visiteurs de la nuit qui frappent à nos portes.
Sorti fort à propos le 28 mars dernier, jour du Piano day, Forgotten Postcards révèle peut-être l’une des plus belles collections de vignettes pianistiques que vous entendrez cette année. Des mélodies pures et frêles qui ne se perdent jamais ou qui ne se blessent pas dans une tristesse qui alourdirait le propos.

C’est une musique taiseuse qui laisse une large part à notre imagination. Cela fait bien longtemps qu’un disque de piano solo ne nous avait captivé comme ce Forgotten Postcards. On se rappelle encore du choc à l’écoute du chef d’œuvre insurpassable de Keith Kenniff sous l’alias de Goldmund, Corduroy Road, sorti déjà en 2005. Oversky par son minimalisme et cette maîtrise du jeu sur les pédales et les effets ressentis rappelle le meilleur de Corduroy Road.
Pourtant, il est difficile de faire chose neuve avec un univers aussi circonscrit que la musique instrumentale. Refuge, par exemple, patiemment tisse son piège de douceur. On croit d’abord qu’il n’y a rien dans ces minuscules petites choses alors qu’ils s’y cachent des milliers de monde.
Atlases n’a rien à envier aux épures de Dustin O’ Halloran ou celles d’Olafur Arnalds. On y sent le souffle du pianiste qui habite ces compositions quand le lent et contemplatif titre qui donne son nom à l’Ep réanime des vieux souvenirs, les cartes postales poussiéreuses qui s’accumulent dans un vieux carton. Les mots de rien et de tout, les petites phrases de ceux que nous aimions et ne sont plus.

La musique de Luke Howard est fragile et sans doute pour ne pas l’abimer, faut-il la préserver de la lumière du jour. C’est une musique à laquelle l’ombre va tellement bien, des sons de la nuit. Shift vient clore dans une longue mélopée traversée de drones cette merveille absolue qu’est Forgotten Postcards.
Jamais, vous n’attendrez avec autant d’impatience le retour de la nuit pour enfin vous perdre à nouveau avec délice dans les errances de Luke Howard et son monde minuscule de clair-obscur et de mélancolie constitué.

Greg Bod

Luke Howard – Forgotten Postcards
Label : 1631 Recordings
Sortie le 28 mars 2016