Bonneville – Laurent Saulnier

Dans ce roman un brin fataliste, Laurent Saulnier évoque ces passions de l’enfance qui peuvent prendre une tournure imprévisible et générer des situations dramatiques.

Laurent Saulnier © Anne Saulnier-Pieper

© Anne Saulnier-Pieper

Bonneville, c’est la Pontiac Bonneville 1969 achetée par le père du héros, le narrateur, sur un coup de tête qui lui fit perdre son rôle de chef de famille, sa femme, passionnée par l’élevage des gallinacées, lui ayant, à cette occasion, confisqué la gestion des comptes familiaux. Désormais, la Pontiac, elle, est clouée au garage, elle ne roule plus, des pièces sont défaillantes et des pièces de voiture de ce type on n’en trouve pas en France surtout dans la campagne profonde où la famille a trouvé refuge dans une gare désaffectée. Le narrateur, jeune homme baraqué mais inoffensif, n’a pas brillé à l’école qu’il n’a pas fréquentée très longtemps, il a vite trouvé un boulot dans une station-service où il se plait bien et travaille assidûment.

Bonneville - Le dilettanteDepuis que le père est mort, il vit seul avec la mère au rythme des trains qui ne s’arrêtent plus devant leur gare. Il n’a plus qu’une idée en tête, remettre Bonneville en état pour sillonner les routes du coin. Pour réaliser ce projet il faut de l’argent qu’il n’a pas, après mûre réflexion, il pense que des petits larcins commis dans les belles voitures en stationnement lui apporteraient les fonds nécessaires sans nuire beaucoup aux propriétaires détroussés. Mais voilà, le papillon qui bat des ailes au-dessus de la baie de Rio pour déclencher un ouragan en mer de Chine est de passage par la région, tout part en vrille, rien ne se passe comme prévu. Les événements imprévus et indésirables s’enchaînent les un aux autres prenant une tournure de plus en plus dramatique.

L’auteur évoque le célèbre inspecteur Columbo, considérant le nombre de cadavres qui jonchent les pages de ce petit roman, j’ai plutôt l’impression d’avoir traversé une série comme Barnaby, une série où l’on ne lésine pas trop sur le nombre de victimes. Bien sûr, il est un peu particulier le jeune homme, il se relève chaque nuit pour s’installer au volant de Bonneville avec Mister B, un énigmatique passager qui le guide et la belle Julia aux gros seins, la livreuse de carburant. Ensemble, avec Bonneville, ils parcourent la campagne environnante jusqu’au jour où tout foire.

Ce texte m’a rappelé un roman de Chris Womersley, La mauvaise pente, j’avais alors écrit « Le roman de deux vies qui ont dérapé lorsqu’un grain de sable s’est coincé dans la mécanique de leur destinée ». Et dans ce texte, la destinée semble avoir pris la même mauvaise pente même, même si le roman de Saulnier est beaucoup moins noir que celui de l’Australien, il est plutôt fataliste. C’est l’histoire d’un pauvre gars dont les muscles remplacent, sans qu’il s’en rende bien compte, la cervelle et qui est emporté par des événements qui le dépassent malgré tout ce qu’il entreprend pour remettre le cours de son existence dans le bon sens.

Les passions de l’enfance peuvent prendre une tournure imprévisible et générer des situations dramatiques comme dans cette histoire presque drôle qui ressemble plus à une parodie de roman noir qu’à un texte réellement noir. Des doux dingues qui partent en vrille n’existent pas que dans les guerres larvées, il peut y en avoir partout même dans les gares désaffectées.

Denis Billamboz

Bonneville
Roman français de Laurent Saulnier
Editeur : Le Dilettante
126 pages –  17,00 €
Date de parution : 24/08/2016