Juste la fin du monde – Xavier Dolan

Xavier Dolan signe un film bien peu confortable. Le « famille, je vous hais » ne touche que trop peu, agace trop souvent et n’éblouit pas.

Juste la fin du monde - Xavier Dolan photo du film avec Nathalie Baye

Il y a le texte de Lagarce, sec et précis, des répliques écrites pour être dites par des acteurs debout, portant la voix de cour à jardin, un texte de théâtre. Il y a le film de Xavier Dolan, comme embarrassé par ce texte, le respectant trop, ne le coupant pas assez, gardant trop le théâtre, perdant le cinéma.

Juste la fin du monde - Xavier Dolan affiche du filmLe cinéma de Dolan a toujours été un jeu d’équilibriste. Son meilleur mis à part (le mal aimé Tom à la ferme qui arrivait pourtant, lui, à faire oublier le théâtre), chacun de ses films avançait sur la corde, misant sur la vitesse et l’art de la diversion pour ne pas choir. La chute se produisit avec le boursouflé Mommy et Juste la fin du monde en porte les stigmates.
Ainsi Dolan choisit les gros plans, une avalanche de gros plans, presque toujours, presque tout le temps. À l’opposé du théâtre donc. Ce serait faire du cinéma, croit-on, ce serait pour enfermer des personnages déjà claquemurés dans une maison de famille bien étouffante. Alors que la scène de théâtre permet aux spectateurs et aux acteurs de respirer, les premiers laissant aller et venir les regards, les seconds faisant parler les corps, jouant de l’avant-scène, du retrait, des coulisses, le film de Dolan fait suffoquer tout le monde.
Quelquefois ça marche, quelquefois pas. Les comédiens sont en force, tout le temps, non pas qu’ils soient mauvais (ils sont finalement tous bons) mais leur jeu semble toujours à deux doigts de virer au surjeu, parfois y vire, parfois pas. La faute au texte qu’on ne coupe pas, aux scènes trop longues qu’on ne sait pas arrêter.

La mise en scène de Dolan, moins affectée sans doute mais pas plus sobre, ne sort que trop rarement de la posture pour nous éblouir. Et quand la narration se perd dans d’inutiles flash-back, ça tourne au ridicule. La B.O. n’est pas terrible, la partition de Yared, si juste dans Tom à la ferme, finit ici par agacer.
Certaines scènes nous cueillent pourtant, Marion Cotillard parlant de ses enfants, Nathalie Baye expliquant à Gaspard Ulliel qu’il est l’homme de la famille, la pré-séquence de fin, quelques silences, quelques regards, la beauté d’Ulliel

Juste la fin du monde est finalement un film inconfortable, mais pas dans le bon sens du terme. Le « famille, je vous hais » ne touche que trop peu, agace trop souvent, n’éblouit pas.

Pierre Guihot

Juste la fin du monde
Film de Xavier Dolan
Avec Gaspard Ulliel, Vincent Cassel, Nathalie Baye…
Genre : Drame
Durée : 1 h 35 min
Date de sorite : 21 septembre 2016