musique

Original Slam - Poésies urbaines

Miltonic/label one/EMI

[3.0]

 

 

Le succès de Midi 20 de Grand corps malade a alerté les maisons de disque sur un genre jusque là réservé aux cafés culturels urbains et suburbains. Des garçons et filles de tous âges venant se lancer sur les estrades des bars de quartiers, plaçant leurs bouts rimés esthétisants, leurs extraits de vie, leurs galères, leurs jolies phases. Un genre sur lequel, un jour, un musicien s’est penché ; faisant converger musique et texte pour un mariage discographique d’un nouveau genre. Original Slam se perçoit comme un condensé un brin emphatique, -mais à quoi bon cette intro et outro de maître loyal ampoulé présenté par le professeur Arthur Ribo, tentant d’apporter une caution ex-cathedra à un genre qui a très bien vécu sans ça jusque là- de la scène slam française hors Fabien Marsaud.

 

Et comme dans toute compilation d’artistes d’horizons variés, les sommets côtoient les creux ou la controverse. Original Slam contient son lot de perles. Au nombre de celles-ci on citera le duo bien représenté sur cette compile : Souleymane Diamanka et John Banzaï. En binôme ou séparément, ils driblent les mots et se jouent de leurs phrases. Ils mélangent amour des lettres et recherche de la phase qui percute, par sa sonorité et son jerrican de sens, sur lequel l’un ou l’autre vient gratter une allumette verbale. On songe au Baudelaire synesthétique, jonglant avec les sonorités autant qu’avec la perception, quitte à laisser la narration s’envoler un peu du quotidien.

 

Bien en prise avec la réalité, qu’ils s’amusent à transcender à coup de 220 V, on citera comme autres grands moments de cette compile,  le vite d’Ami Karim ; soit l’art d’expliquer au monde comment on mord la vie par les deux bouts, comment on voit la même chose que tout le monde, et comment pourtant on l’appréhende différemment : pour qu’elle ait l’air juste un peu plus belle, juste un peu plus littéraire. On note aussi au même niveau d’ampérage, le Hé Jésus de Gabriel H  et le bébé caillera de Delphine II ou l’art de manier l’ironie et l’humour noir pour arborer un regard acerbe sur la société contemporaine.

 

Au rayon des presque réussites, on remarque les envolées verbales et sonores de Nico K, qui jongle intelligemment avec les "con"-sonances  mais perd un peu pied du côté de la narration, ou l’alzheimer de Tsutone qui prend aux tripes mais oublie ensuite de reprendre l’auditeur par la main.

 

Puis il y a quelques longueurs… L’un ou l’autre artiste plein de conviction mais à la plume malencontreusement dispensable. Qui trop fendard, qui trop ampoulé, qui plutôt World singer que slammeur. On ne citera pas de nom parce qu’on sait que le rodage n’est pas forcément le meilleur moment pour juger d’une puissante mécanique.

 

Et, à la conclusion, il n’y a que deux fautes de goût véritables sur cet album. Elle a beau être présentée comme la championne de France de slam – mais on se demandera s’il y avait-il de vrais challengers inscrits au concours ( ?)- Luciole dérape avec ses textes à l’inspiration Prévertienne qui renvoient l’auditeur à ses cours de « déclamation »  avec Mme Pierre en cinquième. Mais si, vous savez quand on s’entraînait pour le concours annuel de l’académie de la Ville de Bruxelles en plaçant avec zèle et un flow chipé à la Comédie Française : « le geai gélatineux geignait dans le jasmin ; et de plus en plus vite : six cents petites truites cuites ». Fastidieux. La seconde erreur étant à notre sens de convier à ce grand banquet de slammeurs, la formation Da Gobleen . Le combo rape de fort agréable façon des thèmes chers au slam et tente de faire voler en éclat, sans véritable réussite, les frontières entre les genres. La ficelle est ici un peu trop grosse, trop immédiatement perceptible pour  véritablement interpeller l’auditeur découvrant un genre encore méconnu sur CD. Et Da Gobleen est un groupe de slam qui rappe comme un Svinkel trop lettré… dommage.

 

Une compilation qui sans doute surfe sur la vague d’un engouement médiatique, qui fixe sur disque un panorama  un peu trop court du slam en France. Un abécédaire un peu directif  qui met en lumière quelques véritables talents, dont on reparlera évidemment à l’heure d’une carrière solo qui ne devrait pas manquer de survenir. Et à ce moment là on se vantera auprès de ses potes : « attends mais ce gars là, je le connais depuis la première compile Original slam, à l’été 2006.

 

Denis Verloes

 

Tracklist :

01. Arthur Ribo - Intro spéciale
02. Souleymane Diamanka - Les poètes se cachent pour écrire
03. Luciole - Frénésie
04. Ami Karim - Vite
05. Delphine II - BBR
06. John Banzaï - Pro-verbe
07. Da Gobleen - La Classe 
08. Gabriel H- He Jesus
09. Delphine II- Bébé racaille
10. Arthur Ribo - Si
11. Afro - Afrika
12. Nico K - Leçon de sexophone
13. Les Triporteurs de mots - Mais dites
14. Luciole - Le coeur en miettes
15. Nico K - Trop bon trop con 
16. Jheem - J'les aime quand même
17. Da Gobleen - Rien n'se perd
18. Tsutone - Alzheimer
19. Arthur Ribo - Conclu
20. John Banzaï et Souleymane Diamanka - Le meilleur ami des mots

Durée : 70’ 07’’

Date de sortie : 24/07/2006

 

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