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Entretien avec Gravenhurst

 

 

 

Depuis quelques mois, le monde de la musique connaît un véritable revival folk, alors qu’une de ses plus grandes figures, Johnny Cash, s’est éteinte il y a moins d’un an. Nouveau venu sur cette scène, Nick Talbot (aka Gravenhurst) vient de rééditer son second album Flashlight Seasons sur le label Warp. Rencontre avec un jeune anglais de Bristol, athéiste forcené, qui n’aime pas la bière ni le football, mais qui est ouvert, attachant et intéressant.

 

La tonalité de ta musique est très folk. Et pourtant tu viens d’une ville (Bristol) qui n’est pourtant pas réputé pour cette scène là…

Lorsque l’on évoque Bristol au niveau musical, pour beaucoup de gens les référents habituels sont Massive Attack ou Portishead. A dire vrai, je n’ai jamais été vraiment touché par ces deux groupes et par leur musique.

Personnellement, j’ai beaucoup plus été influencé par des groupes comme Movietone et surtout Flying Saucer Attack, tous deux également de Bristol. Les FSA ont été très important pour moi. Les albums qu’ils ont sortis au milieu des années 90 étaient très bons, eux qui jouaient une musique qui avait un je-ne-sais-quoi de folk. La découverte du groupe d’ailleurs a été un vrai choc pour moi.

 

Tes deux premiers albums ont tout d’abord été sortis sur le label Red Square…

Oui les deux sont sortis sur Red Square aux Etats-Unis. J’étais sur un petit label, Silent Age. Le premier a été distribué essentiellement aux Etats-Unis. Mais finalement, c’est en France que l’on vendu les 500 premières copies. Limonade, un distributeur français, a vendu 500 disques d’Internal Travels ! On a même été obligé de re-presser le disque ! (rires).

 

Et aujourd’hui, tu signes chez Warp, un label plutôt réputé pour sa production de musique électronique. Alors que tu joues un folk dans la plus pure tradition.

Flashlight Seasons a quand même quelques sonorités électroniques. Et il ne faut pas oublier que Warp a, par le passé, sorti des albums de pop comme celui de Vincent Gallo, et mêmes certains de hip-hop.

 

Comment s’est passée la rencontre avec Warp ?

Silent Age a envoyé l’album à différentes radios. Et beaucoup l’ont joué sur les ondes. Et un jour, tout bêtement, Stuart de Warp a écouté l’album, a beaucoup aimé l’album, et nous voilà !

Warp est un label vraiment intéressant. Ils ont la capacité d’avoir une bonne exposition médiatique et dans le même temps la liberté artistique est totale.

 

Quelles sont les principales différences et évolutions entre Internal Travels, ton premier disque, et Flashlight Seasons ?

La principale différence entre les deux, c’est qu’Internal Flashlight n’est pas un bon album (rires). Deux chansons sont à sauver. Mais le reste n’est pas d’un très grand niveau. Je préfère largement Flashlight Seasons.

 

D’un autre coté, Internal Travels n’était que ton premier album.

En fait, avant je jouais dans un groupe, Assembly Communication. On jouait une musique que je situerais entre les Smiths et My Bloody Valentine.

Mais ce qui reste de cette époque, ce ne sont que des cassettes de nos concerts. Nous avions aussi sorti quelques copies sur cd-r de notre dernier concert à Liverpool qui était très bon concert. C’était juste avant que notre bassiste se tue dans un accident de voiture. Et donc que le groupe splitte.

Tiens, à propos, Bluebeard, une chanson de Flashlight Seasons est originellement une chanson d’Assembly Communication.

 

Beaucoup de gens considèrent que tu es une sorte de fils de Nick Drake. Cette comparaison te gène t-elle et l’acceptes-tu ?

Ben en fait, je dois l’accepter ! (rires). C’est une des grandes références pour le grand public aujourd’hui, dans ce style musical. Et puis j’adore son travail, surtout Pink Moon qui est pour moi un très grand album.

 

Après avoir vécu un revival rock, j’ai l’impression que l’on se dirige vers un revival folk, avec des artistes comme Sufjan Stevens, Devendra Banhart ou toi.

Pour être honnête, en Angleterre, les premièrs papiers concernant mon album était plutôt mauvais. On pouvait lire « Oh non, encore un nouveau et ennuyeux singer-songwriter ». En Angleterre, nous n’avons jamais vraiment aimé ce type d’artiste car ce n’est pas rock’n’roll. Par exemple, j’ai été élevé aux Smiths et à Sonic Youth. Mais je n’ai écouté que très rarement des singer/songwriter.

Les Anglais n’aiment pas ce genre de musique pleine de chansons crève-cœur. Et c’est vrai que ça peut-être très ennuyeux. David Gray en est l’exemple parfait.

C’est pour ça que j’essaie de trouver un esprit différent sur scène, en créant un bon line-up. D’ailleurs j’espère que ça permettra de sortir un troisième album dans une veine différente, un peu plus bruitiste.

 

Les textes des chansons sont assez noirs, assez sombres

Oui, c’est vrai. Et à dire vrai je ne sais pas vraiment pourquoi ! (rires) D’un autre côté, le monde et la société actuelle n’est pas des plus joyeux, non ? Et si tu veux en parler de façon positive, c’est assez compliqué.

 

Qu’aimerais tu qu’on dise à propos de Flashlight Seasons ?

Ce que je voudrais, c’est que les gens comprennent mon album. L’autre jour, j’ai lu une chronique italienne de mon album. Ils ont détesté le disque, mais j’ai trouvé qu’ils l’avaient compris. Et c’est ça le plus important.

MOJO a chroniqué également mon album, en citant notamment les Flying Saucer Attack, et j’en ai été ravi car j’ai vu qu’ils m’avaient cerné, moi et mon disque.

 

Dernière question : on parle beaucoup du mp3 et des systèmes d’échanges peer-to-peer depuis quelques mois. Quelle est ta position à ce sujet ?

Il y a deux choses : d’un coté, avec le p2p, on ne rémunère pas les artistes. Mais d’un autre côté, j’ai quand même l’espoir que comme moi, quand on télécharge un album que l’on aime, on va ensuite l’acheter en cd. L’important, c’est que tout le monde joue le jeu.

Je ne vais pas aller acheter quelque chose que je n’aime pas. En fait, ça revient à aller chez un disquaire, écouter l’album à une borne, et puis partir sans rien acheter car l’album ne nous a pas plu.

Et puis le bon côté du peer-to-peer, c’est que l’on peut retrouver des sessions radios ou des disques introuvables. Et ça c’est très appréciable.

 

Propos recueillis par Olivier

- juin 2004 -