musique

Katerine - Robots après tout

barclay/universal

[4.5]

 

 

On se doutait bien que Katerine était fou. Si si. Ses dernières productions nous le laissaient présager avec pour oriflamme de folie absolue, le binôme les créatures et l’homme à trois mains. On croyait, dans ce semi délire, déceler ce que serait le Katerine du 21e siècle : mis à nu sur la pochette, mis à nu sur quatre pistes à la guitare et dans les paroles trop réelles ou trop sibyllines de ses derniers opus. Katerine serait une sorte de mélange entre Mallarmé et Ferré, capable de plaquer ses textes très loins, très proches, sur des mélodies mi-pop mi-folk dont les gimmicks entêtants auraient sans doute été adoubés par Gainsbourg - ou d’ailleurs par les pontes des slogans publicitaires à la télévision.

 

Son précédent opus 8e ciel semblait suivre cette veine. On croyait ne pas s’être trompé. Et bing !  voilà ti pas que Katerine enfile le col roulé en lycra rose et la culotte blanche de ballerine et qu’il se prétend « robot après tout », prenant à revers le discours des Daft Punk, qui eux prônaient juste le contraire. Esprit de contradiction il travaille les arrangements… aux manettes de machines. Philippe Katerine étoffe sa compétence informatique et ses bidouilles électroniques (apprentissage avant l’album avec Renaud Letang et Gonzales, excusez du peu), quand la mode est à la guitare et au punk à trois accords. Adieu bossa, gentille easy-listening, folk d’outre tombe en beau costard violet dans lequel on avait appris à l’aimer. Non Katerine est le fou sur la colline et c’est en Dj improbable  et encore plus nu qu’avant qu’il nous revient : ne cherchez pas comment c’est possible, c’est une image ! Sa voix atone fait mouche en cousin déjanté et moins manipulateur du HAL de 2001 odyssée de l’espace.

 

C’est du haut de son balcon sur le monde, en démiurge atteint  d’ébriété à l’antique qu’il assène de petites bombes musicales. Bombes parce que l’air de rien avec deux bout de ficelles : ici un gimmick, la un clap, là une mélodie vocale, il parvient à rendre indispensables la majorité des plages de son album. A ce titre, on vous met au défi de résister aux cousins synthétiques de je vous emmerde que sont Louxor j’adore ou 100% VIP. Cocktails molotov d’intention aussi, parce que dans un monde qui réhabilite le blouson de cuir et le t shirt rayé, dans un monde où pour s’afficher en tête des magazines il faut s’écrouler sur scène ou sortir avec Kate Moss, Katerine arrive avec ironie et pied de nez à se faire plus punk que les punks. Dandy ultime, ses titres sont des crachats classe jetés à la tête du monde. Mais des crachats quand même… et plutôt baveux encore bien. Des bombes sales aussi, parce que ses chansons nous égratignent. Philippe Katerine est aujourd’hui le seul artiste français de notre connaissance, capable de croquer avec ironie moqueuse, second degré et air narquois, nos petits travers, nos hédonismes vains, nos craintes collectives et nos stupeurs politiques. Qui d’autre que lui est capable aujourd’hui d’évoquer ses frères humains en Villon du 21e siècle, l’éjaculation précoce sans tabou ni misérabilisme, la tentation par le vide qu’est la jet set, les moments de néant quotidien, et provoquer la répulsion inconditionnelle pour Marine Le Pen, sans même toucher un mot de la politique du FN.

 

Objet musical non identifié, publié de surcroît chez une major (pied de nez ultime ?), le Robots après tout de Philippe Katerine est une réussite du dernier trimestre 2005, qui n’en finit pas de revenir et revenir et revenir encore sur notre platine au mois de janvier 2006, et sans doute la réussite pop française la plus efficace de ce début de siècle.

 

Denis Verloes

 

Tracklist :

01. Etres Humains

02. Borderline

03. Numéros

04. Le. train de 19h

05. Louxor j'adore

06. Le. 20-04-2005

07. Titanic

08. 100%. VIP

09. Patati Patata !

10. Excuse-moi

11. Qu'est-ce qu'il a dit ?

12. 78-2008

13. Après moi

14. 11 Septembre

Durée : 41'03

Date de sortie :  octobre 2005

 

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www.katerine.net