roman

Seicho Matsumoto - Tokyo express

Éditions Philippe Picquier  - 192 p, 7€

[4.0]

 

 

Les cadavres d’un fonctionnaire et d’une serveuse d’un restaurant de Tokyo sont retrouvés un matin froid de janvier sur une plage du Kyushu – île située à l’extrême sud du Japon. L’homme et la femme sont enlacés et à côté d’eux gît une bouteille empoisonnée par du cyanure. Les policiers chargés de l’enquête n’ont aucun doute : il s’agit d’un double suicide amoureux. Inutile de poursuivre l’investigation plus loin. Pourtant, un inspecteur sinon plus perspicace, du moins plus obstiné, ne peut chasser de son esprit certains détails qui sèment le doute : pourquoi le suicidé a-t-il passé six jours seul dans sa chambre d’hôtel avant de subitement aller sur la plage pour se suicider ? Pourquoi a-t-il fait une partie du voyage seul, comme semble le prouver le ticket de wagon-restaurant retrouvé dans la poche de son manteau ? Et surtout n’est-ce pas étrange que la mort de ce jeune fonctionnaire arrange tous les dirigeants du ministère, perturbé depuis plusieurs mois par une sale affaire de corruption ? Décidé à lever le voile sur ces ambiguïtés et soupçonnant que le double suicide s’apparente plutôt à un double crime, l’inspecteur Mihara se lance dans une enquête haletante qui le fera traverser tout le Japon en train.

 

Tokyo express, roman policier de Seicho Matsumoto (1909-1992), est paru au Japon en 1957 et est depuis cette date un des plus célèbres best-sellers du polar nippon. Premier roman de Matsumoto, il consacre un auteur désormais renommé au Japon.

Dans ce roman, pas de sang, pas de coup de feu, pas même de courses poursuites. Les policiers ne ressemblent pas à ces intrépides héros qu’a fait naître l’imaginaire européen : le modeste inspecteur Mihara se déplace en train ou en bus, écrit de longues lettres rivalisant de politesses à son collègue, et, tenu de rendre des comptes quotidiens à son supérieur hiérarchique, ne prend aucune initiative personnelle. Quant au coupable, il est dès les premiers chapitres identifié – ou du moins fortement soupçonné. Durant tout le roman, le personnage principal cherche non pas à désigner le criminel, mais à prouver qu’il y a eu crime et à trouver les moyens de vérifier son intuition première.

Un polar où on devine dès les premiers chapitres le coupable, cela pourrait paraître ennuyeux et contraire à toutes les règles du récit policier ! A vrai dire, tout l’art de Matsumoto réside non pas dans la tension narrative, mais dans la construction méthodique et quasi scientifique de l’intrigue. Tout le nœud du suspens tient dans quelques chiffres : les horaires très précis des trains qui quadrillent le Japon. Minutie, perspicacité et intuition sont les atouts de l’enquêteur qui cherche la vérité en vérifiant chaque détail avec une précision incomparable.

 

Certes, il n’est pas toujours aisé pour le lecteur français de s’y retrouver dans les noms des personnages et des villes. D’ailleurs, la carte du Japon, ajoutée dans l’édition française, n’est pas superflue. Cependant, le lecteur se laisse très rapidement prendre au jeu qui le fait embarquer dans un voyage ferroviaire à travers tout le Japon des années 1950. A travers l’enquête policière, c’est un Japon fortement structuré par les rapports hiérarchiques et rigoureusement organisé que nous découvrons.

 

Céline Lavignette-Ammoun

 

Date de parution : 19 Mai 1998

 

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